Avec notre envoyé spécial à Och, Camille Magnard
Combien sont-ils en tout ? Difficile de le dire vraiment ici à Suratash le long de la frontière avec l’Ouzbékistan, sans doute sont-ils plus d’un millier... Mais il y a trois jours, quand la frontière était ouverte, ils étaient cinq ou dix fois plus nombreux nous dit-on. Massées autour de la petite mosquée du quartier, transformée en clinique improvisée, des centaines de femmes Ouzbèkes tentent d’assurer aux leurs le minimum vital mais ici il n’y a pas grand-chose. Pas d’eau potable, pas de médicaments, pas de toits pour tout le monde et surtout trop peu de nourriture.
Alors que partout ailleurs en ville, on distribue de l’aide humanitaire, ici dans les camps ouzbeks on n’a reçu aucun soutien des autorités kirghizes. La seule aide vient de l’autre côté de la frontière de l’Ouzbékistan qui lance par-dessus les barbelés des bouteilles d’eau et quelques vivres. Les épidémies se répandent vite chez les enfants contaminés par l’eau croupie puisée à même le fossé : quarante personnes seraient déjà mortes à Suratash. Des réfugiés arrivés blessés par balle, brûlés vif ou battus car chacun ici a sa propre histoire de quartier ravagé par des groupes de jeunes Kirghizs armés, de proches assassinés ou de femmes violées. Pour ces victimes ce qui se passe depuis cinq jours dans le sud du Kirghizistan est une véritable opération de nettoyage ethnique.