Japon, la valse des Premiers ministres

Après 9 mois au pouvoir, Yukio Hatoyama a jeté l’éponge. Le Premier ministre a lié sa démission à sa baisse de popularité. Mais le fait d'avoir renoncé à déménager la base américaine de Futenma et les scandales financiers expliquent d'abord la perte de confiance des Japonais. L'archipel est désormais en état d'instabilité politique chronique.

On ne reste pas longtemps Premier ministre au Japon. Depuis 2006, quatre hommes se sont succédé à la tête du gouvernement. A chaque fois l’histoire aura duré à peine un an, comme c’est le cas encore aujourd’hui. Hatoyama un petit tour et puis s’en va ! Celui que les médias avaient surnommé « l’extra terrestre » pour sa coupe de chevaux gonflante, ses yeux globuleux et son ambition de changer le Japon, est resté à peine huit petits mois aux commandes. La preuve que décidément, les cotes de popularité des politiques fondent beaucoup plus vite que les neiges du mont Fuji. Le retour au pouvoir de la gauche après un demi-siècle de domination des conservateurs, ne constituant aucunement, en la matière, un gage de stabilité.

Instabilité des politiques

En huit mois, le chef du gouvernement est passé de 70 % d’opinion favorable à moins de 20 %. En cause : les hésitations à répétitions, les promesses non tenues mais aussi le système lui-même. Le Japon a été le premier pays d’Asie à se doter d’une Constitution et à faire élire un Parlement en 1889. Un système parlementaire dominé par un équilibre entre la chambre des représentants (basse) et la chambre des conseillers (haute) qui du même coup fragilise l’exécutif. Les prédécesseurs de Yukio Hatoyama n’échappent pas à cette malédiction des sondages. Shinzo Abe a lui aussi été confronté à la défection de ses ministres au cours de son mandat (du 26 septembre 2006 au 25 septembre 2007). Au moment de cette démission, moins de 30 % des Japonais étaient derrière lui pour soutenir ses actions.

Cette valse des mandats finit par donner le tournis. Le 25 septembre 2007, Yasuo Fukuda devient le 58e Premier ministre du Japon mais c’est en réalité le 91e mandat pour un chef de gouvernement. Cela ne l’empêchera pas, lui aussi, de démissionner à peine un an après son arrivée. Dans un pays ou le « nous » prime toujours sur la première personne du singulier, le charisme et la popularité arrivent en second plan. Avant de se lancer en politique Taro Aso a représenté le Japon au ball-trap pour les Jeux Olympiques de Montréal. On dit aussi que l’homme voue une grande passion pour les mangas mais rien n’y fait ! Seulement quatre jours après son entrée en fonction, M. Aso dit faire face à la démission de son ministre du Territoire, des Infrastructures et des Transports suivi plus tard par celle du chef d’état-major de la Force aérienne d’autodéfense. Des démissions en cascade, des sondages qui s’effondrent, voilà qui rappelle quelque chose… Le 30 août 2009, son parti, (le Parti libéral japonais), enregistre une défaite historique avec 119 sièges sur 480.

Stabilité du système

Mais cette valse des hommes n’empêche pas une incroyable stabilité du système. Les changements à la tête du gouvernement sont ainsi très loin de favoriser l’alternance. Jusqu’à l’arrivée de M. Hatoyama, la plupart des Premiers ministres étaient issus du PLD autrement dit des rangs des conservateurs. Ce ne sont donc pas les responsables mais les institutions qui ont le pouvoir au Japon, avec des partis politiques prêts à se séparer de leurs représentants en cas de désaffection des électeurs.

Redoutant la claque annoncée aux élections sénatoriales du 11 juillet prochain, les responsables de la coalition de gauche n’ont ainsi pas hésité à tirer sur l’ambulance Hatoyama. Vendredi, lorsque la présidente du Parti social démocrate (PSD), fermement opposée à la base d’Okinawa, a quitté le gouvernement et la contestation a gagné jusque dans les rangs du parti au pouvoir (Parti démocrate du Japon). L’éminence grise du PDJ a lui aussi été poussé à la démission. Ichiro Ozawa était dans le collimateur des juges depuis un moment pour des affaires de financements illégaux. Il n’échappe pas à ce sauve-qui-peut des partis de gauche effrayés par les mauvais sondages.

Enfin, le dernier grand facteur immuable du système est constitué par l’étroite relation qu’entretient le pays avec les Etats-Unis. Avant d’arriver au pouvoir, Yukio Hatoyama avait promis aux habitants d’Okinawa de les débarrasser de la base de Futenma. C’était sans compter le poids de Washington dans la politique de l’Archipel.
 

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