RFI : L’ancien président du Salvador dit craindre pour sa vie et son intégrité physique. Il a donc demandé l’asile politique au Nicaragua et il l’a obtenue. Alors quand il dit 'Je crains pour ma vie, je crains pour ma famille’, de quoi parle-t-il ?
Gaspard Estrada : Il parle tout d’abord de son cas personnel. C'est un ancien président, donc qui a récemment quitté le pouvoir dans un pays extrêmement violent, le Salvador, après une gestion très polémique du [dossier] des maras, les gangs responsables de la violence que vit le Salvador. Le président Funes avait essayé de mettre en place une trêve -très discutée- avec ces gangs.
Mauricio Funes est un ancien présentateur de télévision et son parti, le Front Farabundo Marti de libération nationale, est actuellement au pouvoir au Salvador. Mauricio Funes n’est pas un militant historique de ce parti, une ancienne guérilla, qui a eu du mal à s'imposer lors de l'élection présidentielle de 2014 en raison du bilan en demi-teinte de Mauricio Funes. Salvador Sánchez Cerén, vice-président sortant, a été élu président grâce à son action, à son implication personnelle.
Accusations de corruption
Sous les trois précédentes présidences, il y a eu des affaires de corruption. Mauricio Funes est lui-même accusé de corruption et d'ailleurs, aujourd’hui il y a une audience à San Salvador le concernant…
RFI: On lui reproche d’avoir détourné la somme de 720 000 dollars ?
Voilà, ça peut paraître beaucoup d’argent ou au contraire très peu. Tout dépend du standard du pays.
Ce qui est sûr, c’est qu’il y a aujourd’hui une dispute politique pour le pouvoir au Salvador, avec aussi une dimension régionale dans la mesure où le Nicaragua qui reçoit Mauricio Funes est lui-même dirigé par un ancien guérillero, Daniel Ortega.
De mon point de vue, il s'agit pour Mauricio Funes de sortir de l’échiquier politique salvadorien à moindre coût. Car sa présence pourrait incommoder certains membres du Front Farabundo Marti. Et donc ce départ du Salvador – il ne faut pas oublier que Mauricio Funes est déjà au Nicaragua depuis plus de trois mois – lui permet de faire une sortie sans gêner le processus politique salvadorien.
RFI: Il est au Nicaragua depuis trois mois, mais il a obtenu officiellement l’asile politique il y a quelques jours. Il va malgré tout affronter la justice de son pays ou il part avec femme et enfants pour ne plus revenir ?
Je pense que pour le moment ce qui est clair c’est qu’il n’a pas envie de retourner au Salvador. Il dispose du soutien explicite du président de la République salvadorien qui lui a déclaré à nouveau sa confiance. Mais le plus probable est qu'il reste au Nicaragua pour le moment.