Avec notre envoyée spéciale à Orlando, Stefanie Schüler
Depuis que le citoyen américain Omar Mateen a tué sans ménagement des dizaines de jeunes, dans une boîte de nuit gay très fréquentée d'Orlando, son acte domine la plupart des conversations dans la ville floridienne. C'est également le cas au sein des familles, où les parents sont confrontés à la difficile tâche de devoir rassurer leurs enfants, effrayés par le drame.
Alina Hernandez est maman de deux filles. Depuis quelques jours, sa cadette, âgée de 12 ans, fait des cauchemars la nuit, relate-t-elle. « Elle a commencé à me poser plein de questions. » Par exemple : « Avant d'aller au club, ces garçons ont appelé leur maman en leur disant : " Je vais aller au club maman, je t'appelle demain car je vais me coucher tard " ? Et le lendemain, les mamans ont attendu le coup de fil ? »
L'effroi de la jeune fille a déconcerté sa mère : « Sur le moment, c'était très difficile pour moi d'y répondre. Mais je sais qu'à partir de maintenant, je vais devoir en parler tout le temps, jusqu'à ce qu'elle se sente de nouveau assez rassurée pour vivre. » Sur son téléphone portable, elle nous montre une nouvelle application capable de géolocaliser à tout moment le portable de sa fille. « Au cas où », dit-elle.
Car si Alina dit avoir du mal à rassurer son enfant, c'est parce qu'elle a elle-même peur d'un nouvel attentat. Une situation qui lui rappelle d'ailleurs les discussions similaires qu'elle avait sollicitées avec sa propre mère dans son enfance, quand son père était mobilisé dans l'armée pendant la première guerre en Irak.
« Je sais à quel point c'était dur pour ma mère quand mon père était à la guerre. Mais aujourd'hui, nous sommes de nouveau en guerre. Et ma fille va devoir faire face. Les écoles pourraient nous aider, nous les parents, pour guider ces enfants et leur apprendre comment exister en temps de terrorisme », espère la mère de famille.
Des chiens de thérapie pour se mettre à parler
Pour apporter un peu de joie et de réconfort à une population toujours sous le choc, après la tuerie la plus meurtrière dans l'histoire des Etats-Unis, l'association américaine de bienfaisance Lutheran Church Charities a sa propre recette. Depuis huit ans, elle fait intervenir une brigade de chiens de thérapie sur le terrain, auprès des survivants.
Ainsi, en une semaine, ils sont devenus les chouchous d'Orlando : 12 Golden Retriever venus prodiguer leurs soins psychologiques auprès des habitants de la ville. Vendredi, RFI a rencontré Libby Robertson et sa chienne Kay, qui revenaient tout juste de l'hôpital, où elles avaient rencontré des survivants de l'attentat.
« Quand ils ont vu les chiens arriver, ils ont été émus, explique Libby. Mais dès qu'ils ont tendu la main pour les toucher, les larmes ont commencé à couler. C'est une délivrance nécessaire pour débuter le processus de deuil. Les chiens vous offrent un amour inconditionnel. Ils ne parlent pas. Ils ne vous diront pas " Ça va aller mieux ". Aucun de ces mots ne va aider. C'est le toucher qui va aider. »
Cette brigade de chiens de thérapie a été fondée par Tim Hetzner, de Lutheran Church Charities. « Quand une personne caresse un chien, elle se détend, assure-t-il. Ses battements de cœur ralentissent. Et c'est là qu'elle commence à parler. Dans n'importe quelle crise, pouvoir parler est un pas important vers la guérison. »
Chaque chien possède ses propres comptes Facebook et Twitter, pour permettre aux personnes de suivre celui qui leur a apporté du réconfort. Mais pour que ces animaux puissent intervenir en cas de crise majeure, ils reçoivent une formation spécifique, précise Tim Hetzner : « Ils ont été entraînés à rester calmes en cas de coups de feu, ou lors d'un départ de sirène, ou dans une situation chaotique comme lors d'une tornade. Ça ne les affecte pas. »
Vaste collecte de fonds pour la ville d'Orlando
Soutiens aux survivants, aux familles de victimes, aux habitants de la ville, l'attaque terroriste du week-end dernier à l'établissement Pulse a sucité un énorme élan de solidarité à Orlando. Solidarité financière aussi. Quelques heures seulement après l'attentat, Equality Florida, la principale association gay et lesbienne de l'Etat, a mis en place une collecte de fonds sur Internet. A la fin de la journée de dimanche dernier, celle-ci avait déjà dépassé 1 million de dollars.
Grâce à de nombreux partages sur les réseaux sociaux, et notamment un retweet d'Hillary Clinton, le compteur affichait vendredi 17 juin 5,1 millions de dollars. Un autre fonds, OneOrlando, mis en place par le maire, a même dépassé les 7 millions de dollars. Sans parler des multiples initiatives à plus petite échelle. Ainsi, des centaines de bars et de restaurants de la ville verseront-ils une partie ou la totalité de leurs bénéfices de ce week-end à l'un des deux grands fonds existants.
La question qui se pose désormais, c'est que faire de ces fonds ? Surprises par l’ampleur de la générosité, les associations et la mairie d’Orlando disent vouloir d’abord étudier les besoins exacts avant de décider de la démarche à suivre. Plusieurs pistes sont sur la table. Une partie de l'argent pourrait aller directement aux victimes et à leurs familles, une autre partie pourrait être versée à des ONG, qui accompagneront ceux qui ont été touchés par l’attentat.
Des spécialistes en la matière sont d’ailleurs attendus ce week-end à Orlando et ils ont de l’expérience pour avoir déjà géré la distribution des fonds, après l’attentat sur le marathon de Boston en 2013.