Les Etats-Unis ne comptabilisent pas les civils tués par leurs frappes

Une série de documents secrets laisse apparaître que les Etats-Unis sous-estiment le nombre de civils tués dans les frappes d’avions sans pilotes. C’est en tout cas ce que révèle une étude très documentée, publiée par le site américain The Intercept, à propos de la guerre des drones menée par l’armée américaine et la CIA depuis plus d’une décennie.

En Afghanistan, au Yémen et dans la Corne de l’Afrique, le constat est le même : l’assassinat ciblé est devenu la composante centrale de la politique américaine de lutte contre le terrorisme, et le drone armé est l’outil le plus utilisé et le plus meurtrier. Et les civils paient un lourd tribut à cette politique.

C’est ce que montre une étude qui s’appuie sur des documents de l’armée américaine et des témoignages de professionnels du renseignement. Le dossier, publié par The Intercept, ne porte que sur la période 2011-2013, c'est-à-dire sous la présidence de Barack Obama.

Les victimes civiles sont des « ennemis tués au combat »

Par exemple, dans l’Hindi Kush, dans le nord-est de l’Afghanistan, l’opération Haymaker, de janvier 2012 à février 2013, a fait plus de 200 morts. Seules 35 personnes étaient effectivement visées par ces frappes. Ces 35 chefs de guerre sont désignés par les Américains comme des « jackpots ».

Mais les plus de 200 autres victimes n’apparaissent jamais, dans les statistiques américaines, comme des civils. Ce sont des « ennemis tués au combat », ou des hommes en âge de combattre. Selon l’étude, une opération est considérée comme réussie quand le maximum de cibles a été éliminé en un nombre minimal de frappes, peu importent les dégâts.

Un système infernal, inefficace et contre-productif

Plusieurs experts s’interrogent sur ce système infernal et inefficace. Est en cause la trop grande confiance de l’armée dans le renseignement électronique. La localisation hasardeuse des téléphones portables et des frappes de drones conduisent quasi-systématiquement à des pertes civiles. Trop souvent également, le renseignement provient de sources locales, qui ne sont pas toujours fiables.

Enfin, la doctrine visant à trouver la cible, la fixer et la tuer (« Find, Fix and Finish ») est contre-productive, car l’ennemi éliminé meurt avec ses secrets. La phase d’exploitation des indices s’en retrouve tronquée puisque, le plus souvent, personne ne va les récolter au sol. Ainsi, en 2011-2012, seules 25 % des opérations de lutte anti-terroriste conduites au Yémen et dans la Corne de l’Afrique ont été des raids des forces spéciales au sol.

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