En Colombie, les victimes de la guerre veulent être entendues

En Colombie, les victimes du conflit armé veulent être écoutées dans le cadre du processus de paix en cours entre le gouvernement et la guérilla des FARC. A La Havane, où se tiennent les pourparlers, les négociateurs s’apprêtent à recevoir une délégation du mouvement des victimes, c’est une première. Le défi est de taille pour le président Juan Manuel Santos qui entame ce jeudi 7 août son deuxième mandat.

Avec notre correspondante à Bogota, Marie-Eve Detoeuf

C’est nouveau, les victimes existent désormais sur la scène politique. De source officielle, ce sont plus de 6 millions et demi de personnes qui demandent réparation. Et elles existent parce que le gouvernement considère qu’il n’y a pas de paix possible, sans l’accord de ceux qui ont payé le prix de la guerre, un conflit qui dure un demi-siècle. Pour mémoire, pendant sa première campagne, il y a quatre ans, Juan Manuel Santos promettait de poursuivre la guerre à outrance menée contre les FARC par lke président d'alors, Alvaro Uribe, aujourd’hui sénateur.

Mais une fois élu, Santos change son fusil d’épaule : d'abord il reconnaît qu’il y a bien un conflit armé alors qu'Alvaro Uribe ne parlait que de menace terroriste ; et ensuite, avant même d’engager le dialogue avec les FARC, Santos fait adopter une loi sur les victimes et la restitution des terres. La loi met en place un recensement volontaire des victimes du conflit depuis 1985. La date est arbitraire puisque déjà dans les années 50, il y avait des maquis en Colombie, mais il fallait bien une date. Sur la page internet de l’organisme chargé des victimes, il y a un petit compteur qui augmente tous les jours : il marque actuellement 6.657.985. victimes, un chiffre qui dépasse toutes les prévisions.

Qui sont ces victimes ?

Le conflit colombien est un conflit rural et le gros des victimes est constituté de déplacés, essentiellement des paysans qui ont fui les combats, les massacres, les menaces des groupes armés, militaires y compris. Au total ce sont plus de 5 millions de personnes qui ont abandonné leurs terres. Mais les victimes ce sont aussi les veuves et les orphelins, ce sont les familles des disparus, les ex-otages qui ont parfois passé des années dans la jungle (on se souvient d’Ingrid Betancourt), les victimes de tortures. Sans parler des victimes de violences sexuelles qui commencent tout juste à se manifester.

Pas de discrimination des victimes en fonction des bourreaux

Qui va représenter ces six millions de victimes à la table des négociations ? C’est la question du moment. Les négociateurs ont chargé l’ONU, l’Université nationale et l’Eglise de faire la liste des 60 délégués qui iront à La Havane. Une mission délicate. Les associations de victimes des FARC considèrent qu’elles devraient y aller seules mais les associations des victimes des agents de l’Etat et des paramilitaires exigent d’y être aussi dans la mesure où le gouvernement est lui aussi à la table des négociations. Le choix a été fait de ne pas discriminer les victimes en fonction de leur bourreau. Et plutôt de représenter toutes les régions et tous les crimes. Mais il est certain qu’il y aura des mécontents.

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