Avec notre envoyée spéciale à Bogota, Véronique Gaymard, et notre correspondante, Marie Eve Detoeuf
Depuis 20 ans, les FARC accaparent le débat électoral. Les guérilleros ont encore occupé le plateau lundi soir, à la télévision, lors d’un énième débat entre les deux candidats à la présidence. « Vous voulez la guerre », a dit Juan Manuel Santos à son adversaire. « Je veux une paix sans impunité », a répondu Oscar Ivan Zuluaga, « je veux une paix sans Timochenko au Congrès ». Timochenko, c’est le chef des FARC. Les uribistes qui sont partisans de la manière forte accusent le gouvernement actuel de trop céder à la guérilla, et ce faisant de démoraliser l’armée. Santos qui a été ministre de la Défense avant d’être président se retrouve sur la défensive : « Les forces armées vont très bien, elles sont monolithiques et voient le futur avec optimisme. Les militaires savent que la paix est la victoire. » M. Zuluaga a lui promis d’améliorer les salaires des soldats et d’élargir la compétence de la justice militaire. Mieux encore - ou pire -, il a promis un projet de loi pour que soldats et policiers condamnés pour des crimes commis dans le cadre de leur service sortent de prison. Les organisations de défense des droits de l’homme grincent déjà des dents. Les partisans de Zuluaga, eux, n'ont pas relevé.
« Créer les emplois dont le pays a besoin »
Au passage d'un carrefour, des jeunes arborant un tee-shirt jaune distribuent des affiches et brandissent des drapeaux barrés d'un «Z», comme Zuluaga.
Dans sa voiture, Ernan fait au passage un signe de la victoire. Il soutient Oscar Ivan Zuluaga qui représente pour lui la politique de fermeté de l'ex-président Alvaro Uribe, dont la Colombie aurait besoin. « Santos n'a rien fait pour la Colombie, estime-t-il, je n'ai rien vu. Lui, il ne fait que parler de la paix, la paix, la paix. Et le peuple alors? Il croule sous son fardeau. Ca ne vaut pas le coup, il faut changer. Et puis il vaut mieux qu'ils en finissent avec la guérilla. »
Mariana, elle, était convaincue de voter pour Zuluaga. Mais après avoir entendu ses discours, elle émet des réserves : « Je sais que c'est un allié d'Uribe, qu'Uribe en a fini avec la guérilla qui nous a tellement opprimés, nous, les Colombiens. Mais il y a aussi des points négatifs. Entre autre, il propose d'augmenter le temps de travail. Ca n'apportera rien. Il devrait plutôt créer les emplois dont le pays a besoin. »
Emploi, santé, éducation, infrastructures, développement rural et sécurité sont les six sujets qui reviennent sans cesse parmi les principales préoccupations des électeurs. La paix, bien sûr, mais pas à n'importe quel prix, disent les électeurs de Zuluaga, et sans oublier ces questions de fond.