De notre correspondant à Berlin
Un demi-milliard de communications chaque année ; une moyenne de 15 millions d’appels téléphoniques quotidiennement recensés par les « grandes oreilles » américaines, contre deux millions en France.
L’Allemagne est le pays le plus étroitement surveillé en Europe par l’agence d’espionnage NSA, d’après les révélations du Spiegel. Ce fort intérêt pour ce pays s’explique également par l’importance des réseaux internationaux pour les télécommunications présents sur place.
Merkel sous pression
Les révélations faites par l’informaticien américain en fuite Edward Snowden avaient déjà provoqué des réactions négatives en Allemagne et alourdi le climat des relations entre Berlin et Washington, à la fois en amont et durant la récente visite de Barack Obama dans la capitale allemande.
Le président américain s’était alors employé à convaincre ses interlocuteurs que son pays respectait le cadre légal qui lui est imposé et veillait à ce que la surveillance des communications se concentre sur la seule lutte contre le terrorisme. Il avait d’ailleurs affirmé que plusieurs attentats, y compris sur le sol allemand, avaient ainsi pu être déjoués.
Mais ces nouvelles révélations ne peuvent que contribuer à ébranler cette thèse. Le gouvernement allemand, qui a fait jusqu’à présent plutôt profil bas, est plus que jamais sous pression pour réagir. L’opposition de gauche exige d’Angela Merkel qu’elle réclame des explications à Washington.
Première plainte contre X déposée
A ces nouvelles révélations, ni la chancelière ni son porte-parole n’avaient réagi jusqu’à dimanche soir. Dans le camp gouvernemental, d’autres ont été moins discrets. C’est notamment le cas de la ministre libérale de la Justice Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, très en pointe sur ces questions. Elle a estimé que ces nouvelles révélations rappelaient les mesures prises durant la guerre froide contre les ennemis de l’autre côté du rideau de fer.
Un député allemand conservateur, élu au Parlement européen, a accusé les Etats-Unis d’utiliser des méthodes rappelant celles de la Stasi, la police secrète de l’Allemagne de l’Est communiste. Le parquet fédéral allemand rassemble des informations sur ce dossier. Une plainte contre X a déjà été déposée par un particulier.
Snowden, un héros en Allemagne
Les Allemands, très sensibles à ces questions après deux dictatures, nazie et communiste, se montrent très critiques. Dans un sondage, une personne sur deux qualifie l’informaticien Edward Snowden, à l’origine des fuites, de « héros ». Ils sont encore plus nombreux à souhaiter que l’asile politique lui soit offert et un Allemand sur trois serait même prêt à cacher Snowden.
Der Spiegel révèle non seulement le rôle central tenu par l’Allemagne au sein des activités de la NSA, mais aussi l’intérêt des « grandes oreilles » américaines pour les institutions européennes. D’après l’hebdomadaire, les Etats-Unis ont non seulement espionné Bruxelles, au siège de la Commission, mais aussi les représentations de l’Union européenne à Washington et aux Nations unies à New York.