En quatorze ans de pouvoir, lors de ses longues interventions télévisées, Hugo Chavez a souvent brandi le petit livre de la Constitution comme étant la référénce absolue. « La Constitution, rien que la Constitution », aimait-il à répéter, la main sur le cœur, lorsqu'il prenait une décision impopulaire ou répondait aux attaques de l'opposition.
Hugo Chavez absent, le vice-président Nicolas Maduro, dauphin de facto désigné par le président, semble utiliser les mêmes gestes - agiter le fameux petit livre - mais il n'obtient pas les mêmes effets. Au contraire, cette Constitution maintes fois retouchée à force de référendums et de révisions semble remplie d'imprécisions. La première, c'est qu'elle n'avait pas vraiment prévu une telle situation.
Un texte pas toujours respecté
En principe, selon l'article 233 du texte suprême adopté en 1999, le président nouvellement élu doit prêter serment devant l'Assemblée nationale au premier jour de son mandat. Hugo Chavez a été réélu à plusieurs reprises, et ce détail n'a jamais été respecté. Cette fois, sa maladie a mis en évidence ce « manquement aux règles » aux yeux de l'opposition.
« Ce flou artistique provoque toutes sortes d'interprétations, selon Henrique Iribarren Monteverde, académicien, spécialiste en droit constitutionnel à l'Université catholique Andrés Bello de Caracas. On est aujourd'hui dans un entre-deux, on ne sait plus quel régime prévu par la Constitution on doit appliquer. Est-ce celui de l'ancien président qui a prêté serment il y a six ans, ou celui du futur président qui n'a pas encore prêté serment ? »
« On est dans une période de turbulences institutionnelles, ajoute le juriste. Le problème, c'est qu'on y est depuis au moins 20 ou 30 ans. Et aujourd'hui, chaque camp a tendance à défendre sa propre interprétation. En fait, aucune n'est vraiment fausse, mais la dernière institution habilitée à trancher, c'est le Tribunal suprême de justice. Et c'est ce qu'il a fait. »
Des institutions démocratiques
Selon l’article 231 de la Constitution, si le président ne peut pas prêter serment devant l'Assemblée nationale, à cause d'un empêchement « temporaire », il peut le faire à une date ultérieure devant le Tribunal suprême de justice (TSJ). C'est la solution trouvée par les autorités pour éviter un vide institutionnel. Elle a été entérinée mercredi 9 janvier par le TSJ.
Le vice-président Nicolas Maduro continue de gérer les affaires courantes du pays. « Mais, a t-il réaffirmé, c'est Hugo Chavez, réélu en octobre dernier, qui continue tout simplement de gouverner. Il n’y a pas de rupture du pouvoir. » En revanche, une nouvelle élection devrait être organisée dans les 30 jours si le président venait à faire défaut, en raison de son décès, de son renoncement, de sa destitution ou de son incapacité physique ou mentale, certifiée par un groupe de médecins désignés par le TSJ.
La question que se pose désormais l'opposition, c'est de savoir si les chavistes accepteront de retourner aux urnes, alors que leur président vient d'être élu pour six ans et que le Parti socialiste unifié du Venezuela bénéficie d'une majorité parlementaire relativement confortable.