Un dessin humoristique circule actuellement sur les réseaux sociaux, où l’on aperçoit Hugo Chavez de son vivant (mais malade) se prosterner devant une statue à son effigie. Chavez icône de lui-même ?
Celui qui se présentait comme le « cœur du Venezuela » durant sa dernière campagne électorale de la présidentielle d’octobre 2012 s’est forgé en 14 ans de pouvoir quasi absolu - et autant de victoires plébiscitaires successives - l’image du héros national, proche de Simon Bolivar, le père de la nation.
Une image relayée par les chaînes de télévision publiques, qui diffusent en boucle des clips relatant les moments phares de sa carrière politique, « comme s’il s’agissait d’une grande épopée, telle qu’on aime à les écrire en Amérique latine », juge Rafael Uzcategui, sociologue vénézuélien et auteur de Venezuela : Révolution ou spectacle ?
Chavez l’Indien
Aujourd’hui, lorsqu’on se promène dans les rues de Caracas, les affiches à son effigie prolifèrent sur les façades des logements sociaux, ou dans les barrios, les bidonvilles. Dans le centre-ville, les vendeurs à la sauvette proposent une déclinaison de la panoplie Chavez. En 14 ans de pouvoir, le leader mondial de l’anticapitalisme, l’ennemi de l’Amérique a touché le cœur de ses concitoyens, justement en offrant l’image du Vénézuélien moyen, le « métisse » contre le Blanc.
« Chavez aimait à se présenter comme "el Indio", l’Indien ; ou "el Negro", le Noir, pour toucher les populations les plus pauvres. Il a mis en avant les cultures afro-descendantes et indigènes du pays délaissées dans l'histoire au profit de la glorification de l'histoire coloniale et du Blanc », analyse Jean-Baptiste Mouttet, spécialiste du Venezuela et co-auteur d'un livre à paraître aux éditions Autrement sur la reconnaissance des mouvements amérindiens, La grande revanche.
Chavez le Christ
Depuis des semaines, messes catholiques et cérémonies religieuses « vaudouistes » proches des rites afro-descendants cubains se succèdent aux quatre coins du pays. « De mythe vivant, Chavez est déjà en train de devenir une icône religieuse », rajoute le sociologue Rafael Uzcategui.
Une ferveur religieuse alimentée durant son absence par les autorités locales, alors que le vice-président Nicolas Maduro invite régulièrement ses partisans à prier pour leur leader. Durant ses 14 ans de pouvoir, et une omniprésence médiatique, Chavez a fait figure de surhomme.
« Aujourd’hui, son silence fait de lui une divinité », estime Rayma, la célèbre caricaturiste du grand quotidien d’opposition El Universal. « Comme Dieu, il brille par son absence, on ne le voit pas, mais il est bien là », ironise-t-elle.
Sur ses dessins, Chavez n’a plus de visage, il est symbolisé par une chaise vide, lorsque le pouvoir est vacant. Selon cette caricaturiste régulièrement inquiétée pour ses croquis irrespectueux vis-à-vis du président vénézuélien, « Hugo Chavez n’a toujours été qu’une marionnette manipulée en coulisse par Fidel Castro. Cuba en a fait une espèce de "héros libertaire à la Che Guevara" comme elle en a le secret. »
Chavez le Che ?
Pour l’instant, la « chavezmania » ne dépasse pas les frontières du Venezuela. En Argentine, au pays du Che, « Hugo Chavez est certes une figure politique importante et populaire du continent, mais dans la réalité tout le monde s’en fout, il ne laissera pas beaucoup de souvenirs », estime Natalia Faveli, journaliste au service international du célèbre quotidien conservateur La Nacion. « C’est la grande différence avec le Che », conclut-elle.
Il est vrai que si l’image de Che Guevarra est restée celle du combattant barbu, en pleine force de l’âge, immortalisée par le photographe Korda, celle d’un Hugo Chavez vieilli et boursoufflé par sa maladie n’aura sans doute pas le même effet « glamour » sur les générations à venir.
A lire : Qui veut la peau d'Hugo Chavez au Cherche Midi éditeur