Mexique : Enrique Pena Nieto investi président, ou le retour du PRI aux affaires

Ce samedi 1er décembre, Enrique Pena Nieto sera investi dans ses fonctions en tant que quatre-vingt neuvième président du Mexique. Avec lui, c’est aussi sa famille politique, le vieux Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), qui revient sur le devant de la scène politique après douze ans passés dans l’opposition. Mais Enrique Pena Nieto est formel : son accession à la présidence ne signifie pas un retour au passé.

Enrique Pena Nieto semble tout droit sorti d’une série télévisée mexicaine : à 46 ans, ce rejeton d’une vielle famille d’hommes politiques mexicains a en effet tout pour plaire. Bel homme au charme d’éternel jeune premier, regard pétillant, coiffure impeccable et sourire éclatant, il a séduit 38 % des électeurs mexicains le 1er juillet dernier et a remporté ainsi l’élection présidentielle.

Elevé dans le sérail du PRI, le Parti révolutionnaire institutionnel, il a réalisé une carrière sans faute : cet avocat de formation a été d’abord haut fonctionnaire, avant de devenir député, puis en 2005 gouverneur de l’état de Mexico. Très vite, sa famille politique voit en lui le candidat idéal pour assurer le retour du PRI au pouvoir après les deux échecs cuisants aux élections présidentielles en 2000 et en 2004.

Connivence entre Pena Nieto et Televisa

La victoire d’Enrique Pena Nieto à l’élection présidentielle n’aurait pas été possible sans l’aide du plus grand empire radiotélévisé d’Amérique latine : le groupe tout-puissant Televisa. Ses chaînes arrivent dans 95 % des foyers mexicains ; 70 % de la population regarde et écoute régulièrement ses programmes, spécialisés dans le divertissement, avec notamment la diffusion des fameuses telenovelas, ces feuilletons télévisés si populaires chez les Latino-américains.

Pour faire connaître Enrique Pena Nieto dans tout le pays, le PRI signe alors un contrat secret avec Televisa. Selon un article du journal britannique The Guardian, qui a eu accès à deux-cents pages de documents internes de Televisa, Enrique Pena Nieto s’est assuré contre espèces sonnantes et trébuchantes une couverture favorable au niveau national, et ce dès 2005. Le groupe médiatique met les petits plats dans les grands : des reportages sur ses programmes de gouverneur, des spots de publicité, des interviews arrangeantes... Même son second mariage avec la vedette de séries télévisées Angélica Rivera en 2010 est exploité sur toutes les chaînes.

Une élection controversée

Pour de nombreux observateurs indépendants, comme pour la gauche mexicaine, l’élection présidentielle a été entachée par de nombreuses irrégularités. Les opposants d’Enrique Pena Nieto avaient demandé l’annulation du scrutin. Les adversaires de Pena Nieto avaient fait état de corruption, d’achats de vote et de dépassement de financement de la campagne électorale. Pour eux, le vainqueur n’avait pas remporté l’élection.

Le tribunal électoral en a finalement décidé autrement : début septembre, les juges ont décrété l’élection présidentielle libre, équitable et démocratique et annoncé que par conséquent Enrique Pena Nieto deviendrait le prochain président mexicain. Cette décision a laissé sans voix une partie de la population mexicaine, convaincue de la fraude commise par le PRI.

Retour au pouvoir mais pas un retour au passé ?

Bon nombre de Mexicains voient en effet d’un mauvais œil le retour du PRI aux affaires. Beaucoup se souviennent encore des soixante-et-onze ans (1921-2000) pendant lesquels le vieux parti a régné sur le pays, sans partage ni contrôle du pouvoir. C’était l’époque de la corruption, du clientélisme d’Etat et des accords tacites entre le parti et les cartels du narcotrafic.

La mission d’Enrique Pena Nieto avait été de redorer le blason du PRI et de donner à ce parti, dont les membres sont baptisés « les dinosaures » par les Mexicains, une nouvelle image de jeunesse. Et de ce point de vue, le nouveau président a pour l’instant réussi son pari. Enrique Pena Nieto est dynamique, proche du peuple, et suscite chez ses compatriotes l’espoir d’un avenir meilleur, au-delà des violences de la guerre de la drogue. Dans un pays, où l’image est reine, ces facteurs comptent plus que des contenus politiques.

La lutte contre le crime organisé reste prioritaire mais la stratégie change

En effet, la campagne du candidat Enrique Pena Nieto n’a pas été très fournie en détails sur le programme qu’il compte mettre en œuvre. Le nouveau président se dit déterminé à mettre en place des réformes structurelles, notamment en matière de flexibilité du travail, d’énergie et de fiscalité. Mais il est surtout attendu sur le problème brulant du Mexique : l’insécurité due au crime organisé. Elle reste la principale préoccupation de ses concitoyens. Enrique Pena Nieto a annoncé une nouvelle stratégie pour faire diminuer la violence et protéger la vie de tous les Mexicains, mais sans en préciser les détails. La « guerre » contre les narcotrafiquants, lancée par son prédécesseur Felipe Calderon, s’est soldée par au moins 60 000 morts, 25 000 disparus. Et la violence s’est étendue à tout le territoire.

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