Présidentielle américaine: et si le même scénario qu’en 2000 se reproduisait ?

Barack Obama et Mitt Romney sont tellement au coude à coude dans les sondages que certains Américains se demandent s’ils ne risquent pas de revivre le même scénario qu’en 2000. Il y a douze ans, il avait fallu attendre le 12 décembre, soit plus de cinq semaines, pour que la victoire de George W. Bush soit déclarée, après un invraisemblable imbroglio en Floride.

Tout mais pas ça. Douze ans après, de nombreux Américains redoutent que se reproduise cette année le même scénario que lors de l’élection présidentielle de 2000 quand il leur avait fallu trente-sept jours pour connaître le nom de leur président. Il y a douze ans, tout s’était joué en Floride, Etat finalement remporté par George W. Bush avec 537 petites voix d’avance sur Al Gore, son adversaire démocrate, alors vice-président en exercice.

Le précédent de la Floride en 2000

Très controversée car entourée d’un lourd nuage de suspicion, cette élection s’était surtout gagnée dans la coulisse, la Cour Suprême (à majorité républicaine) offrant au bout du compte - si l’on peut dire - la victoire à George Bush en déclarant anticonstitutionnel le décomptage des bulletins en Floride, décomptage qui semblait parti pour profiter à Al Gore.

Nanti des 27 votes de la Floride en vertu du principe du winner takes all (le gagnant rafle tout), Bush devança ainsi Gore, 271 votes à 266, pour devenir le quarante-troisième président des Etats-Unis. Pour la troisième fois dans l’Histoire - mais pour la première fois depuis le XIXe siècle - le gagnant était élu avec moins de voix que le perdant.

« Ce n’est pas impossible que cela se reproduise, cette élection est tellement serrée qu’on peut envisager un tel cas de figure », a reconnu mardi au micro de RFI Steven Ekovitch, professeur des Sciences politiques et d’Histoire à l’Université américaine de Paris. « On peut envisager le même résultat qu’en 2000, avec un candidat qui gagne les voix des grands électeurs et l’autre qui remporte le vote des citoyens », a-t-il poursuivi.

« Aujourd’hui mardi, a-t-il repris, on ne peut vraiment pas dire qui va être le prochain président des Etats-Unis. Même dans les swing states, les sondages donnent les deux candidats dans la marge d’erreur ». Trahissant le doute qui assaille nombre d’observateurs, Steven Ekovitch n’est même pas sûr de la proportion que va prendre l’élection. « Il me semble que si Barack Obama gagne, ce sera de justesse », a-t-il estimé. « Mais si Mitt Romney gagne, soit ce sera de justesse, soit il risque de gagner assez confortablement. »

La raison selon lui ? Le manque de fiabilité des sondages, un comble quand on sait que des montagnes de dollars ont été consacrées aux études d’opinion par les deux camps. « Les électeurs américains sont ‘sursondés » a-t-il déploré. « Dans les swing states, les Etats-bascule, les citoyens sont constamment bombardés de publicités politiques et ils sont constamment sollicités par les sondeurs. Du coup, ces derniers jours, seulement un citoyen sur dix répond aux coups de téléphone, ce qui rend les sondages de moins en moins fiables. » On comprend mieux pourquoi les organes de presse ont été très rares cette année à oser un pronostic sur l'identité du vainqueur.

Des failles dans le système

Autre source d'inquiétude, un éventuel raté des machines électroniques, lesquelles sont utilisées par près d’un quart des bureaux de vote sur l’ensemble du territoire américain. Certaines ont plus de dix ans mais n’ont pas été renouvelées et d’autres qui ont été changées n’ont pas été assez testées. « Toutes les faiblesses du système apparaissent une fois que l’élection est close », a reconnu Douglas Jones dans un entretien accordé à l'Agence France-Presse.

Co-auteur d’un livre sur le sujet (Broken Ballots) ce scientifique de l’Université de l’Iowa n’exclut pas qu’en cas de résultat très serré l’un des deux camps mette en doute la régularité du scrutin. Prévoyants, démocrates et républicains ont déployé une armée de juristes sur le terrain pour exiger un recomptage en cas de score serré, voire pour aller au tribunal en cas de litige. Si tel est le cas, l’élection pourrait une nouvelle fois se prolonger au-delà de mardi, un véritable cauchemar pour toutes les parties concernées.

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