L'ingénieure brésilienne Carolina Luisa Vieira, 28 ans, a été enlevée en mai 2012 dans le parking de l'université fédérale de Santa Catarina, à Florianópolis, dans le sud du Brésil. Immobilisée par un jeune homme, elle a été enfermée dans le coffre de sa voiture.
Quelques heures plus tard, sans nouvelles de sa fille, la mère de Carolina décide de publier un message sur Facebook, invitant les internautes à l'aider à localiser sa fille. Rapidement, environ 286 utilisateurs ont partagé l'information. C'était le début de la diffusion en temps réel de l'enlèvement de Carolina.
Pendant le trajet en voiture à destination de Curitiba, une ville située à 500 kilomètres de chez elle, sa famille publiait des messages sur Facebook donnant sa localisation. Ces données ont été obtenues par le biais de la carte de crédit de la victime, utilisée pour acheter de l'essence. L'un des internautes a même affirmé sur Facebook avoir vu Carolina dans cette station-service.
Sur son portable, Carolina voyait la mobilisation autour d'elle
La police s’est également servie de ces messages, suivait la trace de la voiture et a demandé à la presse brésilienne de ne pas relayer l'histoire, une pratique courante au Brésil. Cela a évité, selon les policiers brésiliens, que le bandit soit au courant de la mobilisation virtuelle. Heureusement qu'il n'était pas sur Facebook...
Entre-temps, l'ingénieure, qui avait réussi à cacher son portable, a découvert stupéfaite les messages sur les réseaux, mais n'a rien publié, par peur des représailles de son bourreau. Finalement, l'ingénieure a été libérée 11 heures après son enlèvement et son agresseur a été écroué quelques jours plus tard. Au journal Diario Catarinense, Carolina a raconté qu’elle s'est sentie « plus en sécurité » de voir son drame sur Facebook, et de savoir que sa famille et la police la cherchaient.
Une photo partagée par 30 000 internautes
Des histoires comme celle de Carolina deviennent de plus en plus courantes au Brésil. Plus récemment, Facebook a permis également la libération d'un jeune garçon, Octavio Costa de Matos, 13 ans, à Ceilândia, ville proche de la capitale Brasília. Disparu le 24 septembre, il a été retrouvé quatre jours après, grâce à un utilisateur qui a vu sa photo sur le réseau et a appelé la famille.
La campagne avait été lancée par son père, Francisco Matos. En trois jours, le billet sur la disparition du garçon a été partagé plus de 30 mille fois. « C'était trois jours très angoissants, heureusement que nous avons eu cette aide », a dit M. Matos au quotidien O Estado do Maranhao.
Partager les informations d'un otage sur Facebook peut être dangereux
Pour aider les familles qui ont un proche disparu ou enlevé, Facebook Brésil maintient des pages qui servent à relayer les photos et les informations. L'une d'entre elles, 'Alerta Pessoas Desaparecidas', recense plus de 3200 'j'aime'.
Quelques victimes d'enlèvement ont aussi vu leurs photos publiées sur ces pages. C'est le cas de l'étudiante Clara Alves Campos, 15 ans, enlevée dans la petite ville de Cassia dans l'Etat de Minas Gérais. Ses images, mises en ligne par ses camarades de classe, ont été partagées 17 000 fois sur Facebook et Google Plus. Par chance, elle a réussi à s'échapper avant que sa famille soit obligée de payer la rançon exigée par les criminels.
Le commissaire de police responsable de l'affaire, Vicente Guilherme, est sceptique quant au rôle de Facebook dans les séquestrations. Il explique que, dans le cas de Clara, cela aurait pu compliquer l'enquête et ne s’avérait pas « utile ».
Un avis partagé par Joaquim Dias Alves, commissaire de police de la division chargée de l'enquête sur les séquestrations dans l'état de São Paulo. « Pour les personnes disparues, les réseaux sociaux ne sont pas des outils négligeables, mais dans le cas d'une prise d'otage, il faut absolument attendre les consignes de la police », a-t-il dit. Selon lui, les stratégies des policiers s'adaptent au cas par cas, et la mobilisation publique autour d'une affaire peut parfois être une entrave au travail de la police.
A São Paulo, des criminels se procurent des informations sur Facebook
Le commissaire met en garde sur la divulgation de données privées sur le réseau, un véritable fléau au Brésil, où un sondage récent a démontré que 13% des enfants brésiliens entre 9 et 16 ans ont déjà publié leur adresse sur Internet.
Selon M. Dias Alves, les criminels brésiliens consultent souvent le réseau pour obtenir des informations sur leurs futurs otages. Une tendance qui a connu une augmentation ces trois dernières années. Même si la pratique n'est pas encore recensée, le commissaire estime qu'au moins dix séquestrations ont eu lieu récemment par ce biais. Sans compter, bien sûr, les cambriolages avec violence.
« Les moteurs de recherche et Facebook sont des outils que les criminels se sont rapidement appropriés. La discrétion continue d'être la règle de base pour se protéger », déclare-t-il. « Internet est la merveille de ce siècle, et peut être utilisé pour le bien, mais expose aussi la vie privée des gens. En temps réel, je peux savoir comment vous êtes habillé, quelle est votre façon de parler, quelles sont vos idées… C'est le mauvais côté des réseaux sociaux : les individus sont devenus vulnérables. »