FARC : enfin un espoir de paix en Colombie?

Les négociations entre le gouvernement colombien et la guérilla des Forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC), pour tenter de trouver une issue au conflit qui les oppose depuis près d’un demi-siècle, doivent débuter ce mercredi 17 octobre en Norvège. Les premiers échanges auront lieu à huis clos et une conférence de presse sera donnée le jeudi 18 octobre à Oslo. Ce n'est pas la première fois que de tels pourparlers ont lieu, mais les conditions n'ont jamais été aussi favorables.

En près de cinquante ans de conflit, c'est la quatrième tentative de négociations entre le gouvernement colombien et la guérilla des FARC. Les trois précédentes se sont soldées par des échecs. Mais cette fois, le contexte est différent. Les discussions ont été mieux préparées par les deux parties, et le rapport de force sur le terrain a basculé en faveur de l’armée.

Un nouveau rapport de forces

Lorsqu’il annonce la reprise de négociations avec la guérilla le 4 septembre dernier, le président colombien fixe ses conditions. Juan Manuel Santos refuse tout cessez-le-feu préalable et déclare ne pas vouloir « céder un seul millimètre de terrain » à la guérilla. Le chef de l’Etat dit avoir tiré les leçons de l’expérience tentée entre 1998 et 2002.

Durant les pourparlers menés alors par le gouvernement d’Andrés Pastrana, la démilitarisation d’une vaste zone autour de San Vicente del Caguán (un territoire de 42 000 km2 dans les départements de Caquetá et de Meta) avait permis aux FARC de se renforcer de façon considérable. Au terme de ces quatre années de vaines discussions, la guérilla avait développé le trafic de drogue et s’était massivement armée.

Si le chef de l'Etat colombien a, cette fois-ci, pu imposer son cadre de discussions, c'est notamment en raison d'un rapport de forces favorable sur le terrain. Suite à l’intense effort de guerre fourni sous la présidence d’Alvaro Uribe (2002-2012), avec le soutien actif des Etats-Unis, les FARC ont en effet enregistré un important recul militaire.

Estimés à 20 000, il y a dix ans, les membres de la guérilla ne seraient plus que 9 000 aujourd’hui. Les FARC ont de surcroît perdu de nombreux chefs historiques. Mais la guérilla reste solidement implantée sur de grands territoires et continue à infliger des pertes régulières à l’armée. Après un demi-siècle d’affrontements, la guerre est devenue un véritable fardeau pour les deux parties. Déterminé à arracher un accord de paix à la guérilla, le gouvernement Santos affiche sa fermeté. Le jour même de l’annonce présidentielle à propos de la tenue de pourparlers avec la guérilla, l’armée abat Danilo, le chef du 33e front, un proche du chef des FARC, Timochenko. 

Des concessions politiques

La tenue des pourparlers de paix a été bien préparée sur le plan politique. Au cours des derniers mois, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour faciliter des progrès dans la négociation. Une loi sur la redistribution des terres, thème cher aux FARC, (l’inégalité foncière est aux sources de la naissance de la guérilla, dans les années 1960), a été adoptée, ainsi qu’un texte qui prévoit des compensations pour les victimes du conflit. Enfin, la Constitution a été amendée pour permettre, en cas d’accord de paix, aux membres de la guérilla de réinsérer la vie civile sans faire face à la justice.

Le texte autorise, de plus, les combattants, une fois désarmés, à entrer dans le jeu politique, et à se présenter comme candidats au Parlement, et même à la présidence de la République, à l’exception des auteurs de crimes contre l’humanité. La guérilla a aussi montré des signes de bonne volonté. En mars dernier, elle a libéré un certain nombre d’otages militaires et policiers qu’elle détenait depuis plus de dix ans, et s’est engagée à ne plus recourir aux enlèvements contre rançon.

L'arrivée d'acteurs extérieurs

Deux pays proches de la guérilla ont décidé de jouer le jeu de la négociation : Cuba et le Venezuela. Ces deux Etats ont intérêt à voir résoudre le conflit colombien, l’un des derniers reliquats de la Guerre froide. Cuba, diabolisée depuis des décennies par les Etats-Unis, sous couvert de la Guerre froide, et le Venezuela, accusé de soutenir le terrorisme, ont l’occasion de démontrer qu’ils peuvent jouer un rôle dans la résolution des conflits et la stabilisation du continent américain. Cuba espère, in fine, obtenir la levée de l’embargo américain, justifié par la crainte de voir la révolution cubaine faire tâche d’huile sur le continent.

L’implication de la Norvège dans le processus est enfin un gage de sérieux. Oslo a une longue expérience des négociations difficiles, que ce soit au Proche-Orient, au Sri Lanka ou en Amériques latine. 

La prudence reste de mise

Malgré ces auspices plutôt favorables, rien ne garantit que les négociations aboutissent. Les FARC, organisées en différents fronts, ne sont pas nécessairement unies dans leur volonté de faire la paix. Pour la guérilla, la paix impliquerait l’abandon d’un trafic de drogue très lucratif. D’après une estimation du Centre d’études sur sécurité et les drogues (Cesed), les FARC enregistreraient un chiffre d’affaires d’environ 1 500 millions de dollars par an provenant du trafic de drogue, soit l’équivalent de 6% du PIB de la Colombie.

L'amnistie prévue en cas d'accord de paix pose par ailleurs des problèmes de politique intérieure. Beaucoup de Colombiens et en particulier les familles des victimes des FARC sont totalement opposées à l’idée de voir les guérilleros intégrer la vie politique en toute impunité. Mais selon un récent sondage, plus des deux tiers de la population soutiennent les négociations. Les Colombiens sont néanmoins partagés sur leurs chances d'aboutir : 45 % pensent qu'elles se concluront par un succès, 41,6 % par un échec.

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