De notre correspondant aux Etats-Unis,
Située à l’extrême nord de la côte de Géorgie, Savannah est connue pour sa douceur de vivre, pour ses fontaines et ses places ombragées et pour les carrioles à bord desquelles les touristes peuvent parcourir la ville.
Un peu à l’écart des parcours obligés, une église attire, elle aussi, chaque année plusieurs milliers de visiteurs. Ce samedi 1er septembre, ils sont une soixantaine à suivre le guide à l’intérieur de l’édifice. Deux fois par jour et quatre jours par semaine, Johnny McDonald fait visiter gratuitement la First African Baptist Church.
« Cette église a été commencée en 1773 par George Leile, notre premier pasteur, raconte le bénévole. Il était né à Jamestown, en Virginie, et avait été vendu, au Sud, au propriétaire d’esclave Henry Sharp. Il s’agit de l’église de la communauté noire la plus ancienne du pays. »
Cosmogramme congolais
Construit par les esclaves eux-mêmes, le bâtiment abrite encore quelques bancs de l’époque ainsi que l’orgue le plus ancien de Géorgie, installé en 1832. Mais ce que l’on vient vraiment visiter dans cette église de Savannah se trouve sous nos pieds.
« Regardez au pied de chaque poteau à côté duquel vous vous trouvez, vous verrez des trous. Ils servaient à ventiler les esclaves en fuite qui se cachaient dans notre église. Ce bâtiment faisait en effet partie de l’Underground Railroad, un réseau de routes, de cachettes, d’organisations et de gens qui aidaient les esclaves en fuite à obtenir leur liberté. La pièce, en-dessous, est aussi grande que celle-ci, mais elle ne fait que 1,20 m de haut, donc il était difficile d’y marcher.
Des propriétaires d’esclaves pouvaient entrer à tout moment ici. Donc si quelqu’un entrait et voyait ces trous, ils allaient se poser des questions, car c’était visible. Mais si vous les regardez à nouveau, vous verrez qu’ils forment une figure. Au milieu, une croix et sur l’extérieur, un diamant. Ces trous ont été percés en imitant la forme d’un signe religieux africain, le cosmogramme congolais. »
« Il faut persévérer »
Un tunnel emmenait les fuyards jusqu’à la rivière toute proche. De là, ils pouvaient traverser à la nage ou en barque. Et le reste du chemin était lui aussi codé. Notamment dans ces édredons brodés dont chaque carré comporte un message, explique l’historienne Karen Wortham.
« Cela, c’est le symbole de l’ours : "Suis le chemin de l’ours, car il voyage toujours au bord de l’eau. Donc reste au bord de l’eau et tu seras sur la bonne route". Là, c’est un panier. Si vous le mettez à votre porte, je sais que je pouvais obtenir de la nourriture et de l’équipement chez vous. Et chacun de ces carrés avait un sens caché. »
Visiblement émue, Janice ne perd pas une miette de ce que raconte les guides : « C’était tellement différent à l’époque. Mais aujourd’hui, nous avons un président noir. Cela montre à quel point il faut persévérer. Ils ont ouvert la voie pour lui ! Ils ont rendu son entrée à la Maison Blanche possible. Nos ancêtres l’ont fait. Et c’est très, très important. »
Les historiens estiment qu’environ 100 000 esclaves ont pu s’échapper grâce à l’Underground Railroad.