Présidentielle américaine : les républicains se concentrent aussi… sur le téléprompteur d’Obama

Un bon tribun, authentique, peut-il se rabaisser à déclamer le texte qui défile sans interruption sous ses yeux ? Non, répondent (presque) en chœur les républicains qui pointent du doigt cette manie du président Obama. Et en période électorale, la critique retrouve de l’attrait.

Depuis la dernière course à la Maison Blanche, en 2008, un drôle de pupitre transparent est de tous les déplacements de Barack Obama. Avant chaque prise de parole de l’homme le plus puissant de la planète, un panneau de verre se déplie entre lui et son auditoire, quand ce n'est pas une simple lucarne que l'on place dans le public. Non qu’il soit le premier à l’utiliser : pour les discours importants, comme celui, annuel, portant sur l’état de l’Union, ses prédécesseurs y ont eu souvent recours. Mais jamais avec une telle obsession.

La critique n’est donc pas nouvelle, elle est même récurrente. Depuis le début de son mandat, le président Obama voit fréquemment railler son usage immodéré du téléprompteur. En mai 2011, au cours de son discours au traditionnel dîner des correspondants, à Washington, il s’était même mis en scène dans une parodie de la bande-annonce du film le Discours d’un roi - l’histoire d’un président ayant perdu sa « magie » en même temps que sa petite lucarne, et prenant conseil auprès de son vice-président Joe Biden, connu pour son sens inné de l’improvisation, et des petites anecdotes truculentes.

Un usage « illégal » pour Santorum

Reste qu’en cette période de primaires républicaines, où chaque candidat y va de sa diatribe à l’endroit du président sortant, ce « péché mignon » de Barack Obama est devenu tout bonnement un argument de campagne. L’ultraconservateur Rick Santorum en a même fait son cheval de bataille. En meeting dans l’Etat du Mississippi, ce dernier a déclaré qu’il avait toujours pensé « que lorsque vous briguez la présidence des Etats-Unis, il devrait être illégal de se servir d’un téléprompteur », arguant que le naturel de l’homme politique s’efface devant la froideur des mots, souvent écrits par d’autres. « Un dirigeant n’est pas seulement ce qui est écrit sur un bout de papier »… ou en l’occurrence sur un écran noir. Newt Gingrich, qui peine à se maintenir dans la course à l’investiture républicaine, avait consenti, dans son fief de Géorgie, le 6 mars dernier, l’usage du téléprompteur au président sortant s’il acceptait un débat de trois heures avec lui, devant une foule de partisans hurlant « pas de téléprompteur ! » Il avait déjà ironisé de la sorte en Floride, quelques mois plus tôt, à propos d'un hypothétique débat sur la réforme de santé voulue par Obama.

« Les candidats républicains se plaisent à attaquer Obama sur son utilisation du téléprompteur pour une raison : cela marche », affirme Chris Cillizza du Washington Post. L’électeur républicain de base n’est en effet pas insensible à la critique : le parler-vrai, droit dans les yeux, est un gage d’authenticité qu’il affectionne particulièrement. Dans l’Amérique profonde, la spontanéité dans l’exercice de la prise de parole en public est particulièrement appréciée.

Tentatives infructueuses

Poids des responsabilités ou manque d’assurance, cette « téléprompteur-mania » de l’actuel président fait aussi les choux gras de la presse outre-Atlantique, qui s’est souvent interrogée sur cette « vilaine » habitude. D’autant que Barrack Obama n’est jamais passé pour un piètre orateur. Reste que les tentatives de s’écarter de son texte n’ont pas toujours été couronnées de succès : sur Youtube, les vidéos de ses déboires ne manquent d’ailleurs pas.

Des mésaventures qu’a connues le républicain Mitt Romney, favori des sondages pour l'investiture républicaine - lui aussi adepte du discours défilant sur écran - qui s'est pris la langue dans le pupitre dans un stade du Michigan, il y a deux semaines, en peinant à se faire comprendre, ou avait joué la spontanéité, en décembre dernier, en pariant 10 000 dollars avec son concurrent Rick Perry, oubliant un peu vite que sa condition de milliardaire n’était peut-être pas son meilleur atout aux yeux des millions d’Américains qui regardaient le débat télévisé ce soir-là. Pas étonnant, donc, de voir la critique de l'usage excessif du téléprompteur par Obama reprise avec tant d'enthousiasme par ses camarades républicains ... mais néanmoins rivaux.

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