Avec notre correspondant à Mexico, Patrice Gouy
Ce rapport est certainement la meilleure nouvelle pour Florence Cassez depuis six ans. Durant cette période, il y a eu des hauts et des bas et beaucoup de déceptions. Le juge Arturo Zaldivar estime que Florence Cassez doit être libérée immédiatement. On devrait avoir le verdict final de la Cour suprême le 21 mars, le jour du printemps. Mais en étant optimiste, on peut dire que Florence Cassez a 80 % de chance de sortir rapidement.
Ce rapport est très explicite. Il explique les raisons juridiques pour lesquelles Florence Cassez doit être libérée. Le juge a décortiqué son dossier pour mettre en évidence toutes les failles qu’il comporte : la police n’a pas agi en respectant les lois, la présomption d’innocence a été violée, le consulat n’a pas été prévenu, elle n’a pas été immédiatement présentée à un juge d’instruction. Tout démontre que la police a sciemment déformé la réalité pour fabriquer un coupable. Durant son procès, de son appel jusqu'à aujourd'hui, les juges ont suivi aveuglement les recommandations du ministère public sans jamais chercher la vérité.
Justice écrite
Au Mexique, la justice est écrite, il n’y a pas de cour d’assise avec une confrontation des victimes et des accusés, ni de face à face. Pour ne pas se compliquer la tâche, les juges estiment que les preuves apportées par la police ou le ministère public sont bonnes, vérifiées et ils condamnent sans état d’âme les prévenus.
Mais les choses commencent à changer car cette affaire atteint de tels sommets que les Mexicains eux-mêmes commencent à se plaindre. La justice qui existe dans le pays est expéditive, de classe, et ressemble souvent aux lettres de cachet de la justice française d’avant la Révolution. La décision du juge Arturo Zaldivar de mettre un frein à ces pratiques est donc un acte très courageux. Ces coutumes sont aussi de plus en plus mal vues pour une grande puissance économique qui préside tout de même le G20.
Ce juge de la Cour suprême reconnaît ce mauvais fonctionnement de la justice. Et il propose à ces pairs et à toute la société que la grande réforme annoncée par Felipe Calderon en juillet 2011 ne reste pas lettre morte, et qu’il faut changer les habitudes pour que les juges appliquent la loi rien que la loi, en respectant le code civil, le code pénal et la Constitution.
Bataille juridico-politique
Jusqu'à l’annulation de l’année du Mexique en France, on était dans une bataille juridico-politique autour du cas de Florence Cassez. Aujourd’hui les choses ont changé, cette affaire est devenue un enjeu totalement mexicain. « Ce cas est emblématique de ce qui se passe tous les jours au Mexique. C’est une bataille nationale pour la justice et pour le rétablissement de l’état de droit », a déclaré sur une radio la juriste Laure Magaloni.
Florence Cassez aura donc à attendre jusqu’au 21 mars pour savoir si elle est libérée, si son cas est renvoyé à une autre chambre faute de quorum ou si la Cour suprême préfère attendre les résultats de l'élection présidentielle de juillet 2012. Car ce que propose finalement le juge Zaldivar est une véritable révolution.