En Equateur, trois ans de prison et 40 millions de dollars d'amende pour «injure» contre le président Correa

Cette journée du 16 février 2012 est une journée noire pour la presse en Equateur. La Cour nationale de justice, la plus haute instance judiciaire équatorienne, a confirmé la peine de trois ans de prison pour les dirigeants du journal d'opposition El Universo. Elle a aussi confirmé l'amende de 40 millions de dollars infligée au journal.

Le journal était poursuivi par le président équatorien Rafael Correa qui estimait avoir été injurié dans un éditorial accusateur. Dans cet article, le journaliste Emilio Palacio menaçait le président de poursuites pour « crimes contre l’humanité » pour avoir ordonné un assaut afin de mater une rébellion policière le 30 septembre 2010.

Ce jour-là, le président est séquestré dans un hôpital cerné par des policiers en colère contre ses réformes. Une fusillade a même éclaté aux abords de l’établissement de santé. L’éditorialiste publie alors un avertissement en direction du président Rafael Correa. Cet éditorial vaut aujourd’hui aux dirigeants du journal El Universo une peine de trois ans de prison et une amende de 40 millions d’euros.

L'appel et le recours à la Cour nationale de justice n'ont rien changé au jugement. Pour Benoit Hervieux, en charge de la zone Amériques à Reporters Sans Frontières, la confirmation de cette peine est extrêmement grave même si l'article pour lequel le journal a été condamné était plus que contestable : « c’est du lèse majesté. Demander 40 millions de dollars à un journal, ça veut dire que le journal disparait. C’est vraiment une catastrophe. »

Selon lui, les responsabilités sont engagées : « oui, il y a une responsabilité des éditeurs puisqu’ils ont accepté de publier dans leurs colonnes des accusations qui étaient très graves de la part d’Emilio Palacio. Néanmoins, on se retrouve avec une réponse aussi grave. L’amende est tellement colossale qu’elle condamne le journal à la fermeture. On pouvait imaginer une amende individuelle. Mais en évitant les peines de prison qui sont passées de mode dans les pays démocratiques. Si on devait enfermer tous les éditorialistes avec lesquels on n’est pas d’accord ou qu’on trouve injurieux, on n’aurait pas fini. »

Les responsables du journal ont déjà fait part de leur intention de saisir l’Organisation des Etats américains (OEA). Après une enquête, cette procédure peut amener vers un dépôt de plainte auprès de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH).

Si cette condamnation est confirmée, elle signera la faillite du journal. Mais pour le président Rafael Correa, c’est une victoire pour lui et son pays. Il affirme qu’elle représenterait « un grand pas pour la libération de l’Amérique latine d’un des plus grands pouvoirs impunis ».

 

 

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