« Bon débarras ! » Un large sourire éclaire le visage de Katie Selman tandis qu’elle détruit joyeusement les ordres militaires qui ont envoyé en Irak son mari et son frère, désormais rentrés au pays. « Les nuits sans sommeil, l’angoisse, les allers-retours à la poste pour lui envoyer des paquets… Tout cela c’est fini ! ».
Des badauds attendent en file devant le broyeur à papier géant érigé sur Times Square de passer un coup de balai sur leurs mauvais souvenirs de 2011 et de repartir du bon pied pour la nouvelle année. Certains ont à la main des factures, la photo d’un(e) « ex » ou comme Lisa, le nom d’une colocataire irascible inscrit sur un papier. « Cette garce m’a gâché la vie avec ses obsessions. Maintenant je vis avec mon petit ami et la vie est belle », sourit-elle.
Un exutoire très public
Chaque année, depuis cinq ans, le Good Riddance Day de Times Square permet à chacun de jeter symboliquement aux orties petites mésaventures, gros chagrins et vrais coups durs au cours d’un exutoire très public, orchestré par l’office du Tourisme et parrainé, comme il se doit, par une société de nettoyage. Au micro, une animatrice traque les doléances insolites, drôles ou émouvantes et suscite la claque des touristes attirés par les nombreuses caméras. Les messages sont également affichés dans un étrange mélange de comique et de tragique :
« Une année de plus au chômage »
« Les cheveux de Justin Bieber »
« Le décès de mon frère le matin de Thanksgiving »
« Barack Obama ! »
« La domination du Tea Party sur la politique fiscale des Etats-Unis »
« Toutes les chansons depuis 2001 »
« C’est très réjouissant, confie Juliana. Chez moi au Brésil nous avons l’habitude d’écrire sur un papier les mauvais souvenirs et de les brûler après les douze coups de minuit ». Quelles épreuves a-t-elle envoyées au pilon ? « Le chômage ! Beaucoup de gens autour de moi ont perdu leur emploi cette année. J’espère que 2012 sera meilleure et que l’économie va redémarrer ».
Crise économique et peines de cœur
Au panthéon des infortunes, la crise économique et les peines de cœur occupent les premières places. Samantha est venue de Chicago avec son nouvel amoureux, Eric, et une feuille sur laquelle elle a écrit le mot « célibataire » pour la hacher menu. Derrière elle, Rebekah, une élégante jeune femme de Brooklyn attend son tour avec à la main un casque de moto blanc et rose. « Je ne l’ai porté qu’une seule fois, pour une balade à moto avec mon ex-petit ami. En fait, il s’est avéré être un menteur et une personne détestable. Le casque est resté dans ma chambre sur une étagère et me fait penser à lui, alors je vais le détruire et en finir avec ce souvenir ». Malgré les encouragements de la petite foule, quelques coups de maillet fourni par les organisateurs ne parviennent pas à érafler le casque, qui ira dans un conteneur.
Les monceaux de papier sont quant à eux réduits en confettis pour être recyclés. Divorces acrimonieux, soucis de santé et patrons harceleurs finiront en gobelets, en serviettes jetables et en papier toilette. Happy New Year !