Monnaies : le yuan dans le collimateur des élus américains

La guerre reprend sur le marché des changes entre Pékin et Washington. Des sénateurs américains veulent imposer un projet de loi destiné à pénaliser la manipulation des devises. Un texte qui vise implicitement la Chine.

A Pékin, les protestations ont été immédiates. Le ministère chinois des Affaires étrangères a dénoncé, mardi 4 octobre 2011, un projet de loi qui « enfreint gravement les règles de l'Organisation mondiale du commerce » et a appelé Washington « à abandonner le protectionnisme ». De son côté, la Banque centrale de Chine a dit craindre « une guerre commerciale ». La sous-évaluation du yuan met-elle en péril la reprise de l’économie américaine ? C’est en tout cas ce que laissent ouvertement entendre une coalition bipartite, emmenée par le sénateur démocrate Charles Schumer de New York et son collègue républicain de Caroline du Sud, Lindsey Graham.

Ces élus du Congrès sont partis en guerre contre le yuan avec un projet de loi qui prévoit, à terme, de fortes sanctions commerciales contre tout pays manipulant ses devises. Dans la nuit du lundi à mardi, les sénateurs américains ont voté, par 79 voix contre 19, pour l’ouverture du débat sur le « Currency Exchange Rate Oversight Reform Act ». Ce projet de loi qui ne nomme pas la Chine, vise à pénaliser les importations de pays sous-évaluant leur monnaie en imposant une taxe compensatoire.

Un déficit commercial de 273 milliards de dollars

Les sénateurs reprochent à l’administration Obama « de ne pas accuser formellement la Chine de manipuler sa monnaie ». Jusqu'à présent, elle s’est contentée de conclure que le yuan était sous-évalué, jamais manipulé. Avec ce texte, les sénateurs cherchent à pousser le Trésor à le faire. Les élus américains reprochent à Pékin de maintenir sa monnaie le yuan à un taux artificiellement bas pour doper ses exportations. La faiblesse du yuan introduit, en effet, une forme de protectionnisme qui ne dit pas son nom puisque les produits chinois ne bénéficient d’aucune concurrence sur le marché mondial.

Selon les sénateurs, cette sous-évaluation fausse l’équilibre des échanges entre les deux pays et met donc en péril la reprise. Le déficit commercial américain avec la Chine a d’ailleurs atteint un niveau record de 273 milliards de dollars en 2010, soit une hausse de 20% sur un an. A l’approche des prochaines élections de novembre 2012, les partisans du texte soutiennent que l’économie américaine, avec son taux de chômage à 9,1% souffre de la situation créée par la devise chinoise.

Une appréciation du yuan « trop lente »

C’est un projet de loi plutôt coercitif que ne défend pas le secrétaire au Trésor. Timothy Geithner a tout de même admis que « l’appréciation du yuan était trop lente ». Du côté de la Maison Blanche, on privilégie, en effet, une politique de dialogue sur cette question. D’autant que depuis juin 2010, Pékin a autorisé le yuan à flotter un peu plus librement pour refléter davantage les forces du marché. Dernier détail et non des moindres : le déficit public des Etats-Unis est financé en grande partie par la Chine, son deuxième plus gros acheteur d’emprunts d’Etat derrière le Japon.

La manœuvre est donc complexe pour Barack Obama. Si le projet loi devait être adopté par le Sénat et la Chambre des représentants, ce dernier se retrouverait confronté à une décision difficile : promulguer la loi et risquer une guerre commerciale avec Pékin, ou opposer son veto et s'en expliquer devant une opinion publique qui semble favorable à cette proposition.

Pour en savoir plus :

Forex- marché des changes

Le yuan (ou renminbi)

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