Avec notre correspondant à Buenos Aires, Jean-Louis Buchet
C’est une pluie de critiques qui s’abat désormais sur le juge Martín Pérez. On lui reproche de n’avoir suivi qu’une seule piste, celle de meurtres commis par des habitants de la vallée de San Lorenzo, où ont été trouvés les corps des deux jeunes Françaises. C’était le cas du suspect arrêté dans la nuit du dimanche 31 juillet 2011 au lundi 1er août, un homme de 43 ans qui loue des chevaux aux touristes de passage. Il a été inculpé sur la base d’un témoignage qui s’est finalement avéré infondé.
On reproche également au juge, soumis à une forte pression de la part des autorités, d’avoir voulu à tout prix obtenir un résultat rapide sans preuves suffisantes.
Il y a quand même un élément qui justifie l’orientation donnée aux recherches, le fait que les habitants de la vallée sont souvent armés de revolvers de calibre 22 pour protéger leurs bêtes des pumas, et que c’est bien avec des balles de 22 que les deux femmes ont été tuées. Il n’en reste pas moins que trois jours ont été perdus.
On s’interroge aussi sur la date de la mort des deux Françaises. Initialement, celle-ci avait été fixée au 26 ou au 27 juillet. On dit maintenant que leur décès pourrait être plus ancien, les corps ayant pu se maintenir plus longtemps dans un bon état de conservation en raison du froid qui règne en cette saison dans cette région montagneuse.
Bref, on repart de zéro, avec, comme seuls éléments probants, le matériel génétique recueilli sur le corps des deux femmes et susceptible d’appartenir à leurs agresseurs. Ce matériel pourra être comparé à l’ADN d’éventuels suspects. Rien d’autre pour l’instant et ce sera sans doute une déception pour les familles de Cassandre et de Houria qui sont sur les lieux ce mardi.
De l’émotion en France, mais aussi en Argentine
À Salta, on ne comprend pas qu’un crime aussi atroce ait pu être commis dans cette province de gens paisibles, où tout le monde ou presque se connaît. L’hospitalité de ses habitants est réputée. Même si elle est devenue un slogan pour dépliants touristiques, elle n’en correspond pas moins à une réalité.
Pour beaucoup, la mort des deux jeunes francaises, dans les conditions que l’on sait, apparaît comme une sorte de cauchemar. Et l’on sent pointer un sentiment de honte à l’idée que, demain, l’on découvre que l’un des leurs est l’assassin.
Crime à caractère exceptionnel
Dans le reste du pays, l’émotion est forcément plus distancée mais réelle. Le caractère exceptionnel de ce genre de crime y est pour beaucoup. Et la place que lui ont accordé les médias, dont certains n’ont pas hésité à donner des détails scabreux, souvent non vérifiés, a renforcé l’impact de la nouvelle dans l’opinion.
Radios et télés ont immédiatement relayé les premières réactions françaises et rendent compte, quasiment en temps réel, de tout ce qui se dit et s’écrit à l’étranger sur l’affaire. Depuis trois jours, Cassandre et Houria sont à la une de tous les journaux et les Argentins, traditionnellement méfiants à l’égard de la justice et de la police, s’interrogent sur les suites d’une enquête qui semble piétiner.