Le général Petraeus, «Monsieur Pompes» quitte l'Afghanistan pour la CIA

Le général américain David Petraeus a quitté officiellement ce lundi 18 juillet 2011, le commandement des forces internationales en Afghanistan. Après un an à la tête de la coalition, le général Petraeus, appelé à diriger la CIA, laisse sa place à un autre général américain, John Allen, sans avoir réussi à appliquer sa doctrine aux rebelles afghans.

Sur le site des Pères fondateurs des Etats-Unis, à côté de George Washington et d’Abraham Lincoln, figure le nom de David Petraeus. C’est dire la haute estime que lui vouent les Américains. Il faut reconnaître que le personnage est hors du commun, d’un point de vue civil comme d’un point de vue militaire.

David Petraeus, c’est d’abord un homme à la condition physique extraordinaire qu’il entretient avec frénésie. A la question : « Combien de pompes êtes-vous capable de faire ? », il répond invariablement : « Une de plus que vous ». Marathonien, il a décrété que rien ne pourrait le terrasser : ni un accident de parachute, ni un cancer, ni une balle perdue. Touché en plein torse par un soldat maladroit qui nettoyait son arme, David Petraeus parvient à convaincre les chirurgiens qui l’ont opéré de le relâcher plus tôt en effectuant devant leurs yeux médusés, 50 pompes. En 2009, lorsque le grand public apprend qu’il est atteint d’un cancer de la prostate, son traitement de radiothérapie de deux mois est déjà terminé sans qu’il ait renoncé à une seule journée de travail. « Ce mec est incroyable », confie l’un de ses amis « rien ne peut le ralentir ».

« Une anomalie parmi les généraux américains »

Mais David Petraeus est aussi un militaire atypique : « Il aime les journalistes et les politiciens, il est diplômé de l’Université de Princeton et il a formidablement réussi en Irak », affirme Tom Ricks analyste au Centre de recherche pour une nouvelle sécurité américaine. « C’est une anomalie parmi les généraux américains ».

Le général Petraeus est surtout l’homme qui a théorisé la lutte contre l’insurrection. Convaincu que la guerre moderne ne se gagne plus en plantant un drapeau sur une colline, il fustige la pensée militaire traditionnelle. « Ma génération a été formée pour détruire des chars soviétiques avec nos hélicoptères ». Son maître à penser est un officier français qui pendant la guerre d’Algérie a combattu en Kabylie et a théorisé les erreurs de l’armée française. Selon lui il faut : assurer la sécurité de la population, lui rendre des services, vivre avec elle. Le général Petraeus a préfacé l’édition américaine de ce manuel et l’a rendu obligatoire dans l’instruction des officiers américains. En Irak ou en Afghanistan, c’est sa philosophie : il ne faut surtout pas s’aliéner la population et en temps de guerre fournir des écoles, des hôpitaux et des routes, c’est le meilleur moyen de s’attacher le respect d’une population. David Petraeus n’en reste pas moins un militaire.

L’expérience irakienne

C’est lui qui entre à Bagdad à la tête des « Aigles Hurlants », la 101ème division aéroportée. Mais tout en recherchant les fidèles de Saddam Hussein, ses soldats commencent aussi reconstruire des systèmes d’irrigation, des raffineries pétrolières ou des stades de football pour les jeunes Irakiens. Une philosophie pas encore partagée par tout l’état-major. Pourtant en 2007, alors que les Etats-Unis sentent que la guerre est perdue, c’est lui que George Bush va chercher pour sortir du bourbier. Le général Petraeus impose alors son idée de « surge ». Plus qu’une solution d’urgence, c’est une impulsion immédiate pour faire baisser les violences ainsi qu’une négociation politique pour tenter de rapprocher des factions irréconciliables. Avec des moyens supplémentaires et notamment des moyens humains, le degré de violence a effectivement fortement diminué en Irak. En revanche, l’objectif politique restait à atteindre au moment de son départ.

Le bourbier afghan

A son arrivée au pouvoir, c’est encore lui que Barack Obama vient chercher pour sortir du bourbier afghan. Le général Petraeus parvient à le convaincre d’envoyer des troupes supplémentaires et de favoriser un dialogue politique entre les différentes factions et tribus qui divisent l’Afghanistan. L’assassinat du demi-frère d’Hamid Karzai, l’attentat pendant ses funérailles puis la mort d’un autre conseiller proche du président afghan, montrent que les talibans prennent de plus en plus d’assurance, sûrs qu’ils vont pouvoir reconquérir le pays au fur et à mesure du départ des troupes américaines.

« D’un point de vue de l’opinion, ce sera plus facile en Afghanistan car c’est une guerre plus juste que l’Irak, confiait le général Petraeus lors de sa nomination, mais sur le terrain ce sera plus dur ». Belle prémonition de la part de l’homme qui espérait venir à bout de la rébellion talibane en s’attachant la population afghane mais qui a sans doute été nommé trop tard…

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