Avec notre correspondant à Caracas,François-Xavier Freland
Une vingtaine de soldats de la Garde nationale bolivarienne, mitraillettes en main, contrôlent jour et nuit la route de l'entrée principale de l'institution pénitentiaire El Rodeo, à l’extérieur de Caracas. Ici, il est interdit de filmer ou de prendre des photos. La garde nationale a pour consigne de ne pas parler à la presse.
Derrière ce cordon de sécurité, à un kilomètre, l'un des deux établissements pénitentiaires, El Rodeo 2, est toujours aux mains des mutins. Mille prisonniers sont otages de deux bandes rivales, lourdement armées. Sous la chaleur tropicale, sans vivres ni eau ni électricité, coupées par les autorités pour les obliger à se rendre, ces hommes vivent depuis quinze jours un véritable enfer. On parle de morts à l'intérieur, de cadavres qui croupissent. Cette mère de famille en pleurs y a son fils, victime d'une erreur judiciaire selon elle, retenu en otage depuis le début. Elle reçoit des messages désespérés sur son téléphone portable. « Mon enfant étudie, mon enfant travaille, jamais il n’avait été détenu, témoigne-t-elle. Moi je dis, c'est un jeune arrêté sans preuve. J'ai le dossier de l'avocat, les témoins. Et ils l'ont transféré ici il y a quinze jours, juste lorsque cela a commencé. Alors maintenant je me dis, ce n'est pas possible, je me sens mal. Il m'écrit dans ses messages qu'il n'en peut plus. Il est à bout de forces. ‘On n'a rien à manger, dit-il, même pas d'eau’. »
« C'est la faute du gouvernement »
Juste en face des militaires, à côté d'un stand de sandwichs à emporter, quelques épouses, des mères de détenus, campent depuis le début de la mutinerie. Yohana est très énervée, son mari est sur la liste des prisonniers toujours coincés à l'intérieur : « Bien sûr que c'est la faute du gouvernement. Chavez parle de sa maladie, il parle de tout, sauf de ça. D’accord, ce n'est pas vraiment de sa faute. Mais c'est quand-même lui qui dirige le Venezuela, c'est lui le ‘comandante’. Alors c'est sûr, quand il est en campagne, Allez, vive Chavez ! Et Chavez, quoi ? Tout ça parce qu'il donne des milliers de petites choses. En fait, quand on a vraiment besoin de lui, il n’est pas là ! »
Yohana est prête à tout pour sauver son homme. Elle sait comment contourner le cordon de sécurité afin de se rapprocher de la prison. Nous grimpons dans un 4x4 et remontons une route mal asphaltée qui file dans un barrio, un bidonville situé en face de la prison. Sur le passage, on nous jette des pierres. En haut du quartier, des femmes de prisonniers, assises sur un banc, observent de loin les miradors et font de grands gestes en direction des fenêtres de la prison, encore noire d'un incendie par endroits, grise et rongée par l'humidité. « Il fallait venir plus tôt, quand il y a eu le feu, que les gardiens lançaient des bombes et qu'on entendait des tirs et tout le reste », nous dit-on.
Depuis une semaine, d'autres institutions pénitentiaires se sont mises en grève dans un mouvement de solidarité afin de faire prendre conscience aux autorités de l'extrême précarité vécue par les détenus à l'intérieur des prisons vénézuéliennes surpeuplées.