Les débats populaires sont organisés partout dans l’île : sur les lieux de travail, dans les quartiers, les écoles, les communes ou les universités. Lors de chaque consultation, un représentant du Parti communiste prend note des suggestions, des critiques, des changements ou des analyses que les participants expriment. Durant ces consultations, les Cubains se sont exprimés sur les 12 volets de la réforme. On y trouve des propositions de changements dans le domaine de la politique économique extérieure et intérieure, du commerce, de l’agriculture, des transports, de l’énergie etc. Ensuite chaque volet est soumis à un vote. Le président Raul Castro lui-même, avant l’ouverture de ces consultations, a dit qu’il fallait recueillir de façon détaillée tous les avis car c’est le peuple qui aura le dernier mot dans ce processus.
Si la majorité des Cubains pensent que ces débats sont utiles, d’autres pensent le contraire. « Ces consultations populaires sont une chorégraphie. Les décisions sont déjà prises par un cercle restreint du pouvoir. Le but, c’est juste de tâter le pouls de la population en ce moment », estime Orlando Freire, un économiste cubain qui écrit pour le journal de l’Eglise catholique cubaine Palabra Nueva.
Un avis qui n’est pas partagé par Salim Lamrani, spécialiste de Cuba et enseignant à l’université Paris 4. « Dans les années 1980, le président du Parlement cubain voulait absolument passer une loi qui taxe les transferts d’argent vers l’île de la part des Cubains travaillant à l’étranger. Et malgré les efforts du gouvernement pour promouvoir cette loi auprès de la population, les débats populaires l’ont rejetée majoritairement, et la loi n’a même pas pu passer pour discussion au Parlement », souligne t-il comme exemple.
Les salaires et la libreta, les soucis principaux des Cubains
Ce qui inquiète les Cubains c’est la faiblesse de leurs revenus ou la disparition prévue de la « libreta ». La libreta, c'est le carnet qui leur assure à très faible coût un approvisionnement en produits de base, comme le riz, le sucre, les haricots, l’huile, le sel ou le savon. Mais ce dernier ou le dentifrice ont déjà été retirés de cette liste de produits fournis par des magasins d'Etat. Malgré des services de santé et d'éducation gratuits, les Cubains comptent encore beaucoup sur le carnet de rationnement pour compenser la faiblesse des salaires, d'une moyenne de 15 euros par mois.
Les débats ont aussi relevé les inquiétudes quant à la suppression de 500 000 emplois publics et l’avenir de ces licenciés. Malgré les inquiétudes pour l’avenir, la majorité des Cubains savent que l’économie centralisée, la bureaucratie et l'absence de concurrence sont des freins au développement du pays. Mais ils ne connaissent pas encore la culture de l’entreprise privée.
Enfin il semble que ces consultations pourront aboutir à une approbation populaire de la réforme, avec peut-être des amendements sur certains points. Ce scénario idéal pour les autorités donnerait de la légitimité au projet. La majorité des Cubains semblent l’approuver et malgré la volonté de changement de la part de la population, la tournure de ces débats n’est toujours pas écrite.