Haïti confronté à une crise politique ouverte

Deux jours après les élections générales, la situation est toujours floue en Haïti. Alors que certains observateurs internationaux valident prudemment le scrutin, et que deux favoris à la présidentielle se rallient finalement au processus électoral, d'autres candidats continuent à réclamer l'annulation du vote. L'inquiétude est palpable que ce soit dans la population haïtienne ou au niveau de la communauté internationale qui a appelé tous les acteurs au calme et au dialogue. Haïti est désormais confronté à une crise politique ouverte.

Ces dernières 48 heures ont en effet été riches en rebondissements. Dimanche midi, 12 candidats à la présidence ont appelé à l'annulation du scrutin, car les élections ont été, selon eux, entachées de nombreuses irrégularités imputées au pouvoir en place au profit du candidat Jude Célestin. Mais cette « coalition de Karibe », comme la presse haïtienne a appelé cette alliance inattendue des candidats, n'a pas tenu longtemps. Lundi, deux membres de ce groupe (et non des moindres, car il s'agit en fait de deux favoris du scrutin), Mirlande Manigat et Joseph Michel Martelly, se sont finalement ralliés au processus électoral.

Le candidat Joseph Michel Martelly, plus connu sous son nom de star de la chanson « Sweet Micky », a expliqué que les premiers échos qui lui parvenaient des urnes, lui étaient favorables. « Là, où il n’y a pas eu de magouilles c’est le changement qui mène. On s’attend à ce que le changement gagne les élections, maintenant que je sais que je mène ». Même son de cloche du côté de la favorite des sondages et ancienne première Dame d’Haïti, Mirlande Manigat, qui a également abandonné la « coalition de Karibe » pour rallier le processus électoral : estimant qu’elle disposait de « bonnes chances de gagner », elle s’est dite prête à participer à une éventuel second tour.

Les candidats sous pression
 
La volte-face des deux candidats peut paraître surprenante, notamment de la part de Mirlande Manigat qui avait appelé la première, dimanche, à l’annulation du scrutin. Pourtant, ce n’est sans doute pas seulement par pur opportunisme que les deux prétendants à la présidence haïtienne ont changé de cap.

Selon les informations de certains médias haïtiens, Mirlande Manigat et Joseph Michel Martelly, sont aussi la cible de fortes pressions de la part de la communauté internationale et des milieux d’affaires haïtiens.

Le Nouvelliste rapporte ainsi sur son site internet que « le secteur privé haïtien a mis en place une véritable machine pour essayer de corriger la ‘légèreté ‘ des candidats qui ont demandé l’annulation des élections ». Pour ce faire, « des responsables du secteur privé ont pris contact avec les candidats de façon individuelle ». Le quotidien croit aussi savoir que « dès dimanche soir, des réunions avaient été tenues entre le secteur privé des affaires, la présidence, la communauté internationale et les principaux candidats pour éviter que cette déclaration de l’Alliance du Karibe ne débouche sur une vraie crise électorale. Le secteur privé haïtien, qui a financé en partie, mais à coup de millions de dollars, la campagne électorale la plus coûteuse de l’histoire du pays, dispose, pour la première fois, d’un levier puissant pour convaincre les candidats à entendre raison ».

Dix candidats à la présidence continuent de réclamer l’annulation du vote

De leur côté, les dix candidats contestataires restants continuent de réclamer l'annulation du vote. Ils ont envoyé une demande officielle en ce sens au Conseil électoral provisoire et annoncent être en mesure de livrer des preuves de fraudes.

« Nous ne transigerons pas sur la question des fraudes commises dans ces élections, nous n’accepterons pas une situation de fait accompli », a prévenu l’un des candidats, Jacques-Edouard Alexis.

Les observateurs internationaux semblent, quant à eux, aussi divisés que la classe politique haïtienne. L'Organisation des Etats américains juge les élections valides, tout en soulignant « des irrégularités sérieuses », alors que les observateurs américains du Center for Economic and Policy Research ont appelé la communauté internationale à rejeter cette « farce évidente ».
 

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