Marée noire aux Etats-Unis: la commission d’enquête dénonce des négligences et erreurs en cascade

En avril dernier, la plateforme Deepwater Horizon explosait dans le golfe du Mexique, provoquant une gigantesque marée noire. L'heure des comptes arrive pour les sociétés pétrolières à l'origine de la catastrophe : la Commission d'enquête rend ses premières conclusions. Elles sont accablantes.Toutefois, cette Commission a un rôle purement consultatif.

Quelques chiffres, pour se faire une idée de l'ampleur des dégâts : 11 morts parmi les employés de la plateforme, une marée noire qui aura duré plus de cent jours, 780 millions de litres de pétrole déversés en mer, et près de 1 000 kilomètres de côte touchés. Les six experts indépendants chargés d’étudier les circonstances du drame mettent en évidence une succession impressionnante de négligences. Des erreurs en cascade, survenues dès l’étape de fabrication du puits adossé à la plateforme.

« Ce puits a été foré par BP, avec des contractants, Transocean pour le forage et Halliburton pour la cimentation, rappelle le géologue et géophysicien Jean Laherrère. Tout le monde est coupable dans cette histoire : il y a d’abord l’administration qui est censée donner les règles et les faire respecter. Elles étaient trop laxistes, les règles en mer du Nord et au Brésil sont beaucoup plus strictes. D’autre part, la cimentation a été mal faite par Halliburton, qui a employé un ciment reconnu instable. Ensuite, Transocean, supposé vérifier que la cimentation était bien faite, est reparti puisque BP lui a dit que ce n’était pas la peine de vérifier. Tout un tas de fautes ont été commises, alors que l’éruption aurait pu être évitée si on avait mieux contrôlé ».

Des anomalies flagrantes passées inaperçues

A ces failles dans la conception même du puits s’ajoutent des erreurs d'appréciation commises juste avant la catastrophe. Et ce, malgré certains signes avant-coureurs qui auraient dû mettre la puce à l'oreille des responsables. C’est le cas en particulier d’un test de pression, destiné à vérifier l’étanchéité du dispositif pour empêcher les fuites d'hydrocarbures. Malgré une anomalie flagrante, ses résultats sont passés inaperçus des techniciens présents sur le site. Voilà qui intrigue Sean Grimsley, l’un des membres de la commission d’enquête : « Nous ne sommes pas là pour répartir les blâmes, les fautes ou désigner un responsable. Tout ce que nous disons, c’est que ces hommes, les responsables du puits et l’équipe sur la plateforme cette nuit-là, ont tous jugé que le test de pression allait dans le bon sens. Et rien n’indique que l’un d’eux ait pris la parole pour dire ‘’il y a un problème, nous ne devrions pas continuer’’. Quant aux procédures de sécurité choisies par BP à ce moment-là, nous pensons qu’elles ont introduit des risques inutiles au vu de la situation ».

Quelques heures plus tard, la série noire continue, et la plateforme s’embrase. L'incendie dure deux jours avant qu’elle ne coule par 1 500 mètres de fond. Jean Laherrère souligne sur ce point la lourde responsabilité des pompiers dans la pollution marine qui a suivi. Leur erreur ? Avoir utilisé de l'eau plutôt que de la mousse pour éteindre le feu. « L’US Coast Guard est venue inonder à raison d’à peu près 6 000 tonnes d’eau salée par heure pour éteindre ce feu. Du coup, ils ont rempli les ballasts et la plateforme a coulé. S’ils avaient laissé brûler cette plateforme, on aurait pu éviter la pollution en mer. Les pompiers sont grandement responsables de la pollution qui a duré deux mois ».

La culture de l’autosatisfaction dénoncée

Comment justifier ces problèmes de méthode, ces manquements répétés aux procédures de sécurité ? Le co-président de la Commission d'enquête, Bill Reilly, les attribue à un trop-plein de confiance de la part des trois principales sociétés impliquées, BP, Halliburton et Transocean : « J’ai déjà évoqué une culture de l’autosatisfaction. Les trois sociétés dont nous parlons l'ont clairement montrée. Chacune d'entre elles est responsable d'une ou de plusieurs erreurs flagrantes. L’explosion de la plateforme Deep Horizon est-elle un événement isolé dû à des circonstances particulières ? Ou bien est-ce révélateur d’un problème plus large, un problème de fonctionnement de l’industrie des hydrocarbures ? BP, Halliburton et TransOcean sont de grandes compagnies respectées qui travaillent partout dans le golfe du Mexique. Mais de toute évidence, elles ont besoin d’être réformées de fond en comble ».

Malgré le diagnostic sévère porté par la Commission sur le déroulement des opérations, la situation ne devrait pas évoluer outre-mesure : son avis est purement consultatif, elle n'a aucun pouvoir de sanction. Après la remise du rapport final, en janvier 2011, c'est l'exécutif américain qui décidera des mesures à prendre, et comme toujours, il faudra faire avec les lobbys pétroliers qui ne se laisseront pas si facilement priver de leur liberté d'exploitation.

 A consulter: le site de la Commission d’enquête américaine

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