Le « Chapo Guzman », le baron de la drogue le plus recherché, classé par la revue américaine Forbes au 60e rang des hommes les plus influents de la planète, est le principal pourvoyeur de drogue des Etats-Unis et aurait sous ses ordres une armée de 150 000 mexicains. Au cours du mois d’octobre, la police a saisi dans la ville de Tijuana 130 tonnes de marijuana lui appartenant. En réaction, treize personnes ont aussitôt été assassinées, avec la promesse d’un mort pour chaque tonne saisie.
Depuis le début de l’année, il y a en moyenne au Mexique 40 morts par jour dont une majorité de jeunes de moins de 25 ans. L’horreur est quotidienne. Vendredi dernier, la police a découvert dans une fosse 18 cadavres, les cranes fracturés, les bras et les jambes fracassés, sans doute un groupe de touristes mexicains disparus il y a 36 jours dans la station balnéaire d'Acapulco. Ailleurs ce sont 24 corps mutilés, ou encore des policiers décapités ou 72 migrants centre-américains exécutés.
La bonne stratégie ?
Les 10 000 morts en moins d'un an font douter de la stratégie du gouvernement, qui a lancé sa police et son armée dans une guerre frontale contre les cartels de la drogue. La grande criminalité mène la danse et les autorités, comme on dit à Ciudad Juarez, « ne sont là que pour fournir les cercueils gratis ». Le pouvoir reconnait à demi mot l’ampleur du problème.
Le procureur Général, Arturo Chavez a déclaré « qu’il y avait des territoires du Chihuahua, du Sinaloa, du Guerrero où l’on ne pouvait entrer… sans l’appui de l’armée ». Un rapport du Sénat montre que « les réseaux criminels ont sous leur contrôle 71 % du territoire national ». Cette stratégie gouvernementale a permis néanmoins la saisie de centaines de tonnes de cocaïne et de marijuana cette année sans que l’on note une diminution de la consommation aux États-Unis. Il n’y a que le nombre de morts qui augmente, constatent avec amertume les Mexicains.
Une violence nuisible
Durant le séminaire international « Mexique entre Nord et Sud » organisé à Madrid par la Fondation Botin, les intervenants ont signalé que l’escalade de la violence est en train de détruire la bonne réputation du Mexique : « en 1980, l’économie mexicaine était le double de la brésilienne. Trente ans plus tard, on constate exactement le contraire », déclare un intervenant de la Banque Santander.
Dans les années 80, tout le monde voyait le Mexique comme un pays prometteur qui devait tirer vers le haut l’ensemble de l’Amérique latine. Aujourd’hui, la vague de violence le plonge dans un chaos incroyable dont on ne voit pas l’issue. « La drogue engendre de plus en plus de corruption », note Transparence Internationale, qui rétrograde le pays au 98e rang mondial dans son dernier rapport.
Le Mexique risque de rater le chemin de la prospérité avec le taux de croissance le plus faible d’Amérique latine. En mauvaise posture du fait de la crise mondiale qui frappe les Etats-Unis et par ricochet son économie, le Mexique n’a pas su, à l'inverse des puissances régionales comme le Brésil ou l’Argentine, bénéficier de la croissance de la Chine. Au contraire, ce pays lui a ravi la place de second fournisseur des Etats-Unis. Les investissements étrangers sont en chute libre : moins 25 % depuis le début de l’année. L’absence de réformes structurelles empêche le pays de décoller.
Le manque de confiance est patent : les bénéfices des entreprises étrangères retournent dans leurs pays d’origine au lieu de s’investir pour créer des emplois. Dans ce contexte, l’influence du Mexique s’efface progressivement devant les pays comme le Brésil ou le Chili, dont les gouvernements sont davantage porteurs d’espoir.