Brésil : reportage au coeur du fief de Lula

Entre les deux tours de l'élection présidentielle, le Brésil s’apprête à tourner la page Lula. L’ancien métallo quittera officiellement le pouvoir en janvier prochain. Il a déjà annoncé son intention de retourner vivre dans son fief historique près de São Paulo, à São Bernardo do Campo, où le mythe de Lula est toujours très fort.

Avec notre envoyé spécial à São Bernardo do Campo, Achim Lippold

Quand on leur demande de parler de Lula, Eurenice et Nadja commencent à rire. Lula ? « Ah, le président Lula, tout le monde en parle ici », disent-elles. Les deux femmes sont voisines de Lula. Enfin, en quelques sorte, car depuis qu’il a été élu à Brasilia, Lula ne retourne que rarement dans son ancien quartier, où il a gardé son appartement dans une résidence surveillée et protégée par des grilles de fer. Impossible de pénétrer.

Mais Antonio, un autre voisin, nous conduit vers l’ancienne maison du président. « C’est là où il a habité, dit-il, avant d’avoir déménagé dans la résidence ». La demeure est abandonnée, « à vendre » peut-on lire sur les murs. « Je me rappelle », nous dit Antonio, à l’époque, Lula avait reçu ici Fidel Castro. Il y avait du monde. Moi aussi, j’y étais, un peu loin, mais j’ai tout vu. A la fin, Castro disait qu’il n’avait jamais mangé aussi bien dans sa vie qu’ici au Brésil ».

Un président qui a gardé sa simplicité

Les anecdotes sur Lula sont légion dans cette banlieue industrielle de São Paulo, dite « ABC ». C’est ici, dans les usines de Volkswagen, que Lula a commencé sa carrière, d’abord comme syndicaliste puis comme responsable politique. A la centrale du Syndicat des métallurgistes, que Lula avait dirigé dans les années 1980, nous sommes reçus par l’actuel directeur, Marcello Goncalves. Sur son tee-shirt blanc, une photo de Lula. Marcello parle de son idole avec beaucoup d’émotion et admiration.

 

« Il est devenu un phénomène, une star internationale. Nous ici, on l’appelle le ' Pelé de la politique '. Et en même temps, vous savez, il est resté le même compagnon qu’il était quand il dirigeait le syndicat ici. Non, il n’a pas changé. »

Une appréciation que le maire de São Bernardo do Campo partage. Luiz Marino est un proche ami du président et confirme : Lula, après huit ans passés à Brasilia, n’a pas pris la grosse tête. Et puis il raconte cette anecdote :

« Pour lui, les relations avec la famille et les amis comptent beaucoup. Une fois, il est venu chez moi, on était peu nombreux et à la fin du déjeuner, il est allé à la cuisine faire la vaisselle. Imaginez la scène ! A ce moment-là, il n’était plus le président mais l’ami qui voulait nous donner un coup de main. C’est vraiment quelqu’un de très simple. »

Populaire mais aussi critiqué

Si Lula reste très populaire dans cette banlieue rouge de São Paulo, il doit aussi affronter quelques critiques. Pour Rosana, le mythe Lula est largement exagéré, vu les résultats de sa politique. Rosana a passé neuf ans en Europe, elle voit donc son pays presque comme une étrangère. Et ce qu’elle découvre, ne lui plaît pas beaucoup :

« Pour les retraités, Lula n’a pas fait grande chose », dit-elle. « D’accord, il a augmenté le salaire minimum. Mais les impôts ont explosé. On paye beaucoup d’impôts ici. »

Mais ce qui choque le plus cette expatriée rentrée au pays, c’est la pauvreté. « Je souhaite vraiment que tous ces gens défavorisés ici au Brésil puissent bénéficier un jour d’une vie digne. Pour nous Brésiliens, il est inacceptable de voir tous ces mendiants dans la rue, dont personne ne s’occupe. »

Lula se verrait bien à la tête de l'ONU

Même dans son fief, Lula ne fait pas l’unanimité. Antonio, notre guide, nous affirme aussi très franchement : « Je ne suis pas fan de Lula ». Et pourquoi ? « Parce qu’il a promis beaucoup de choses et il en a fait très peu. Regardez notre système de santé, une vraie catastrophe. »

Quand il aura quitté Brasilia, en janvier prochain, Lula rentrera à São Bernardo do Campo. Selon Antonio, pour qui la vie dans le quartier n’a plus de secret, il aurait déjà réservé quelques appartements de luxe dans une résidence flambant neuf. Reste à savoirs si le futur ex-président pourra vraiment en profiter.

Car selon les rumeurs, Lula pense déjà à sa reconversion sur la scène internationale. Il se verrait bien à la tête de l’ONU. Eurenice, en tout cas, doute de pouvoir compter à nouveau sur Lula comme voisin. « On dit qu’il veut revenir ici, mais bon, qui sait ? »

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