Brésil : les écologistes, arbitres du second tour de la présidentielle

Les sondages avaient récemment anticipé la baisse de popularité de Dilma Rousseff, mais ils n’avaient pas prévu la percée du Parti Vert. Marina Silva, candidate à la présidence, a obtenu dimanche 3 octobre 2010 près de 20% des voix. Les Brésiliens retourneront donc aux urnes le 31 octobre prochain pour déterminer qui, de José Serra ou de Dilma Rousseff, est appelé à remplacer le président Lula. La dauphine de l’actuel chef de l’Etat part favorite.

Elle espérait passer dès le premier tour. Dilma Rousseff va devoir continuer la campagne, si elle veut succéder à Lula et devenir la première présidente du Brésil. L’actuel chef de l’Etat quitte la magistrature suprême auréolé d’une côte de popularité record : 80% des Brésiliens le soutiennent toujours.

La vague de sympathie qui le porte depuis son arrivée au pouvoir n’a pas bénéficié autant qu’il l’aurait souhaité à sa dauphine, Dilma Rousseff. Sur son nom, l’ancienne rebelle marxiste qui a lutté contre la dictature, n’a réussi à mobiliser que 46,9% des électeurs. Certes, elle est en tête, mais sans la confortable majorité que tout le monde lui prédisait. « Nous sommes des guerriers, nous sommes habitués aux défis », a commenté Dilma Rousseff dimanche soir devant les résultats du premier tour.

Rousseff et Serra au second tour

Dilma Rousseff a payé pour son parti, le Parti des Travailleurs. En pleine campagne, une affaire de corruption, visant l'une de ses anciennes collaboratrices, a été révélée. La candidate a également manqué de clarté, sur certains sujets de société, notamment sur la question de l’avortement, un sujet tabou au Brésil.

Les milieux chrétiens ont ainsi lancé une rumeur selon laquelle elle était favorable à un référendum sur le sujet. Et puis, Dilma Rousseff manque de charisme, surtout au regard de son mentor Luiz Ignacio Da Silva. Une campagne un peu trop lisse l’a finalement desservie.

Quant à José Serra, le candidat social démocrate, il a recueilli 32% des suffrages. La campagne d’entre deux tours sera donc marquée par un jeu d’alliances. Sur le fond, il sera question de la réforme fiscale, de la réforme des institutions et de la modernisation des infrastructures.

Dilma Rousseff a promis de s’attaquer à de grands chantiers si elle est élue tout en prônant la continuité. Dans ce cadre, la candidate du parti des Travailleurs devrait être une fois de plus épaulée par Lula, et comme le climat électoral actuel favorise les sortants, Dilma Rousseff part très bien placée pour le sprint final. Toutefois, la prolongation de la campagne présente des risques, d’autant que le Parti des Travailleurs gouverne actuellement avec une coalition qui ne compte pas moins de dix partis.

Les verts s’imposent dans le paysage politique

Le score de Marina Silva, la candidate des verts, a été la vraie surprise du scrutin. Elle a capté près de 20% des suffrages. Autant dire que ses partisans vont être ceux qu’il faut courtiser en vue du second tour.

A la pointe de la défense de l’Amazonie aux côtés de Chico Mendes, ancienne ministre de l’Environnement, Marina Silva s’est imposée comme la troisième force du pays dans le paysage politique brésilien, et elle a surtout imposé l’écologie dans le débat national. C’est elle qui a, aujourd’hui, les cartes en main, mais elle se refuse pour l’instant à donner des consignes de vote pour le duel final.

« C’est le début d’un processus qui ouvre une nouvelle politique avec les idées que nous défendons », assure cette femme de principe. Elle a sans doute, contre toutes les prédictions, bénéficié du vote des déçus des poids lourds de l’élection. Pourtant, durant la campagne, son parti n’a pas eu les moyens des puissantes machines du Parti social démocrate ou du Parti des travailleurs.

Dernière chance pour José Serra

D'après les chiffres des sondages, le discours de Marina Silva rencontre un écho surtout auprès des classes favorisées. José Serra, le candidat social démocrate, sait que c’est là qu’il lui faudra puiser des voix, mais il aura du mal à convaincre les électeurs écologistes qui se sentent traditionnellement plus proches du parti des Travailleurs et donc de Dilma Rousseff.

Le camp Serra se met à rêver. L’ancien gouverneur de Sao Paulo est passé à côté de la campagne pour le premier tour, et il n’a remporté dimanche que 32,6% des suffrages. Aujourd’hui, il refuse de baisser les bras : « Nous irons chercher la victoire », promet-il.

José Serra est l'un des hommes politiques les plus expérimentés du Brésil, mais il n’a pas réussi à convaincre. Face à une ancienne guérillera et à une passionnaria de l’écologie, il a pourtant, lui aussi, un parcours impressionnant.

Les faits sont têtus, Lula se solde a un bilan très positif

Ex-leader étudiant, contraint à l’exil sous la dictature, il est devenu ministre de la Santé à l’époque où Fernando Henrique Cardoso dirigeait le pays. Il avait obtenu à ce titre des médicaments gratuits pour les malades du Sida.

Reste que l’opposition a aujourd’hui du mal à se positionner, car les faits sont têtus. La présidence de Lula se solde par un bilan très positif : 20 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté, la classe moyenne a progressée en passant de 37 à 51%, la malnutrition a reculé de 46% et le taux de croissance du pays fait rêver (6%).

José Serra sait que s’il veut avoir une petite chance de remporter la mise le 31 octobre prochain, il lui faut maintenant gagner le cœur et les voix des électeurs écologistes.

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