C'est la toute première fois depuis 1989 que Luiz Inacio Lula da Silva, l'ancien métallurgiste devenu militant syndical et politique, le fondateur du Parti des travailleurs plébiscité chef de l'Etat brésilien, ne participe pas directement à l'élection présidentielle : il avait dû s'y reprendre à quatre fois avant d'être élu à la magistrature suprême en 2002. Mais ce président, qui connaît l'extraordinaire privilège de jouir d'une cote de popularité de 80% après huit ans de mandat, s'affiche partout dans la campagne, partout en tout cas où il peut épauler les candidats de sa majorité dans l'ensemble des compétitions qui se joueront le 3 octobre (pour les élus du Sénat, de la Chambre basse, les postes de gouverneurs et les parlementaires des 27 Etats que compte ce pays fédéral).
Mais c'est avant  tout aux côtés de sa dauphine proclamée, Dilma Roussef, qu'il bat l'estrade.  Conscient que cette économiste, ancienne activiste de la guérilla marxiste des  années 1960, dont il avait fait son bras droit au palais présidentiel de Brasilia,  n'a qu'une expérience limitée de l'arène politicienne (c'est en fait le premier  mandat électif qu'elle brigue), il la protège de toute son aura. Dans les débats  télévisés soigneusement encadrés qu'elle soutient contre les autres candidats,  c'est en fait invariablement de son bilan à lui qu'elle se réclame. Elle se  situe dans une continuité fidèle à la gestion des huit dernières années, gestion  gagnante sur le double terrain de la prospérité économique et de la justice  sociale. Le Brésil peut en effet s'ennorgueillir d'une insolente croissance, de  quelque 7% encore cette année, qui l'a hissé au rang de 8e économie mondiale,  tout en ayant propulsé la classe moyenne à des niveaux jamais atteints,  supérieurs à 50% de la population, et sorti de la pauvreté, grâce à ses  programmes sociaux, 29 millions de Brésiliens.
Honneur aux dames                                                                                                                
                                                                                                                                                          
 Cette référence  verbale constante à Lula, conjuguée à l'envahissante silhouette toujours dans  son sillage, a aidé Dilma Roussef à s'imposer durant ces derniers mois comme  l'incontestable favorite du prochain scrutin présidentiel ; au point qu'on lui a  prédit une victoire dès le premier tour du 3 octobre. Un tout récent sondage, un  peu plus mitigé, suggère cependant qu'un second tour sera peut-être nécessaire  le 31 octobre. Celui qui est perçu comme son principal adversaire, le  social-démocrate José Serra, ancien gouverneur du riche Etat de Sao Paulo, ne  profite pas de cette petite baisse de forme de sa rivale ; il se maintient non  loin de 30% des intentions de vote. C'est plutôt une autre femme, Marina Silva,  qui semble bénéficier du léger fléchissement de la cote de Dilma Roussef. La  candidate verte, ancienne ministre elle aussi de Lula, mais dans un registre  plus indocile, a vu les sondages en sa faveur évoluer d'à peu près 10% il y a  quelques jours encore, à près de 15% aujourd'hui.
 
La figure de Dilma a peut-être souffert, dans ce pays où la classe politique peut parfois donner l'impression de s'adonner allègrement à la corruption, d'un nouveau scandale qui l'a frappée de près. Car la proche collaboratrice qui lui avait succédé au palais de Planalto comme directeur de cabinet de Lula, Erenice Guerra, a récemment dû démissionner pour cause de trafic d'influence. Malgré cette ombre au tableau, peu de Brésiliens doutent que c'est bien à Dilma Roussef que Lula, en janvier 2011, passera le témoin. Mais rares sont ceux qui peuvent dire si son élection sera acquise en un tour, ou en deux.