Les Américains sont-ils islamophobes ?

Finalement, le pasteur Terry Jones n’a pas brûlé de Coran ce week-end aux Etats-Unis. Mais la menace de l’autodafé a jeté de l’huile sur le feu d’un débat qui fait rage en ce moment outre-Atlantique: les Américains seraient-ils devenus islamophobes ?

Le magazine Time se demande si les Américains ont un problème avec l’islam, le Christian Science Monitor parle d’une hystérie antimusulmane qui aurait gagné la ville de New York. Le journal se réfère évidemment au projet de construire une mosquée près de Ground Zero. Pour Corey Sailor de l’association musulmane CAIR, il n’y pas de doute : les temps sont durs pour les fidèles du prophète. « Nous assistons à la plus grande vague de sentiments antimusulmans aux Etats-Unis, depuis les attentats du 11 septembre », déplore-t-il. « Selon l’Institut de sondage Gallup, 43 pourcent de personnes interrogées ont des préjugés vis-à-vis de l’islam. Cela veut dire que, nous musulmans, nous avons encore beaucoup de travail à faire pour faire connaître notre foi ».


L’Islam encore mal connu aux Etats-Unis 

 
On estime entre 2 et 3 millions le nombre des musulmans aux Etats-Unis. Ils représenteraient environ 1% de la population. Et l’ignorance étant un terrain fertile pour toute sorte de fantasmes, l’hostilité envers l’Islam grandit, surtout dans les milieux conservateurs. Pourquoi les sentiments antimusulmans se réveillent à nouveau, après le « pic » qui a suivi le 11 septembre 2001 ? Selon Justin Vaisse, directeur de recherche à la Brookings Institution à Washington, le projet de construction de la mosquée à Manhattan en est pour quelque chose. Mais il y a encore une autre raison, estime ce fin connaisseur de la société américaine : la multiplication des terroristes islamistes nés sur le sol américain.

 
La droite joue avec les peurs

La communauté musulmane fait aussi les frais d’une campagne électorale dans laquelle la droite joue sur la peur. Espérant de reprendre la majorité dans au moins une des deux chambres du Congrès, les républicains surfent sans complexes sur les passions antimusulmanes de leurs électeurs. Quand l’ancien président de la Chambre des représentants, Newt Gingrich, compare l’islam au nazisme, ses paroles trouvent un grand écho. Même son de cloche chez l’animateur de télé ultraconservateur Glenn Beck. Voilà comment ce dirigeant du Tea Party Mouvement recevait, il y a quatre ans, le premier député musulman élu au congrès, Keith Ellison : « Monsieur, prouvez-moi que vous ne travaillez pas pour notre ennemie. Je ne vous accuse de rien, je ne dis pas que vous êtes notre ennemie, mais c’est ce que beaucoup d’Américains penseront ».


Si les insultes contre les musulmans fusent de toute part et notamment dans la blogosphère, c’est aussi la responsabilité de la Maison Blanche, estime Mark Potok de l’ONG South Poverty Law Center. Il reproche au président Barack Obama son manque d’engagement en faveur de la mosquée à New York. « Le président Obama avait défendu la construction du centre musulman à New York avant de se rétracter. C’était un malentendu, disait-il, il n’a pas voulu parler de ce projet. A mon avis, le gouvernement s’est montré très lâche sur ce sujet, il a manqué de fermeté face à cette vague de sentiments antimusulmans »

La communauté musulmane veut garder la tête froide
 
Pas facile de rester calme face à ce déferlement d’hostilité qui envahit la toile et les ondes. Malgré tout, les musulmans essaient de garder la tête froide et de ne pas répondre à des provocations comme celle du pasteur illuminé. C’est difficile, admet Corey Sailor de l’association musulmane CAIR, mais c’est la seule solution. « Nous espérons que la société américaine se souvient qu’elle est construite sur certaines valeurs, dont l’acception de la différence et la tolérance religieuse ». Et les choses commencent à bouger, n’en déplaisent aux conservateurs. En mai dernier, l’Amérique a célébré sa nouvelle Miss USA : Rimah Fakih, une étudiante de 24 ans et musulmane. 

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