Marée noire dans les finances de BP

Le 3 juin 2010, BP a lancé sa énième tentative dans l’espoir de stopper la marée noire dans le golfe du Mexique. Une marée noire due à la fuite du pétrole qui s’écoule du navire échoué dans cette région depuis déjà six semaines. BP a donc réussi à sectionner le conduit à l’origine de la fuite, et à poser un dôme en forme d’entonnoir. La marée noire a déjà coûté au groupe BP un milliard de dollars et ses effets boursiers et financiers commencent à se faire sérieusement sentir sur le groupe pétrolier.

« Furieux » : Barack Obama est furieux de la marée noire qui souille les côtes du golfe du Mexique. Accusé de ne pas en faire assez sur cette catastrophe sans précédent, il a expliqué le 3 juin sur CNN qu’il ne voyait pas l’intérêt de hurler et préférait s’intéresser aux moyens de trouver une issue à cette crise.

Mais les médias américains comparent la situation du président à celle de George Bush lors du cyclone Katrina qui avait affecté la même région. Au fur et à mesure que le poids de l’opinion publique pèse sur les épaules de Barack Obama, le président américain accentue sa pression sur BP pour que la compagnie pétrolière trouve des solutions pour colmater la brèche et contenir efficacement la marée noire. Et plus cette pression s’accroît, plus British Petroleum apparaît comme incapable de gérer correctement cette crise, ce qui se répercute sur les marchés financiers.

Les conséquences de la marée noire sur les marchés boursiers

Depuis six semaines, BP a perdu un tiers de sa capitalisation, soit 45 milliards d’euros qui se sont dispersés dans une nappe de pétrole gluant. La réponse des marchés financiers est sans appel : BP est sérieusement attaquée. Mardi 1er juin, l’action a perdu 13% en une seule journée. Du coup, la note de BP se dégrade. Jeudi 3 juin, l’agence de notation Fitch a abaissé la note de AA+ à AA. Même chose pour Moddy’s qui fait passer BP de AA1 à AA2 avec perspective négative.

Les deux agences estiment que la marée noire fait peser des risques sur le profil d’activité et financier de BP. Au dernier bilan mercredi 2 juin, BP estime avoir enregistré plus de 990 millions de dollars de pertes et ce n’est pas fini. Pour Pierre Terzian, directeur de Pétrostratégies, lorsque tout sera terminé, il y aura trois bilans à faire : « le coût immédiat avec les sommes dépensées, près d’un milliard de dollars pour le moment. Le coût judiciaire parce que BP va avoir et a déjà des dizaines, des centaines et peut-être des milliers de procès, et puis la troisième catégorie, peut-être la plus importante mais la plus difficile à chiffrer : c’est le préjudice psychologique subi par BP. En termes de confidence interne, en termes de traumatisme subi par les équipes de BP. Ce sera impossible à évaluer et ce sera le plus dur à surmonter ».

BP « opéable » ?

La nappe de pétrole approche des côtes de Floride et le puits n’est toujours pas bouché. Plus la marée noire s’étend, plus elle pèse sur la santé financière de BP. Au point que les spécialistes se demandent si Exxon Mobile et Shell ne réfléchiraient pas à une OPA, une offre publique d’achat sur BP.

Mais pour Francis Perrin, directeur de la revue Pétrole et Gaz arabes, il y a encore une sérieuse marge de manœuvre : « Avant qu’une compagnie mette véritablement une offre sur la table, il faut qu’un certain nombre d’éléments soient précisés. On voit mal un acheteur potentiel vouloir racheter BP sans savoir si le coût total ce sera 4 milliards, 10 milliards ou 15 milliards ». Toujours selon Francis Perrin : « il y a un autre élément à prendre en compte, c’est la question anti-trust. BP est l’une des plus grandes compagnies pétrolière mondiale. Le nombre de compagnies qui peuvent espérer racheter BP est donc très limité. Cela impliquerait une concentration forte et il se peut très bien que les autorités britanniques, européennes et américaines, voient d’un mauvais œil un rapprochement entre deux grandes compagnies pétrolières ».

La sécurité exigée aura un coût.

Le 3 juin, BP a réussi à couper, à l’aide de ses robots, le tuyau cassé. Elle a mis en place un entonnoir et espère pouvoir récupérer une partie du pétrole. Tous les spécialistes attendent, les yeux rivés sur cette nouvelle tentative. Car tout nouvel échec serait catastrophique pour BP. Notamment parce qu’au fur et à mesure que la marée noire s’étend, l’opinion publique réclame des comptes à Barak Obama, qui à son tour en exige de BP.

Un engrenage intenable pour BP, mais pas seulement pour la compagnie britannique selon Colette Lewiner, directrice internationale du secteur Energie chez Capgemini. « C’est un engrenage pour l’industrie pétrolière en général. En 1979, il y a eu un incident dans une centrale nucléaire américaine, qui s’appelait Three Miles Island. Après ça l’administration américaine a renforcé les règles de sécurité sur les nouveaux réacteurs en Amérique. Ce qui fait qu’il n’y a plus eu de construction de centrales nucléaires depuis cette époque aux Etats-Unis. Et même les centrales qui étaient presque finies n’ont pas été achevées ».

Le secteur pétrolier n’en arrivera pas là parce les Etats-Unis continuent d’avoir besoin de pétrole. Mais la pression de l’opinion publique sur Barack Obama va inciter le président américain à renforcer de manière drastique les règles de sécurité en particulier pour ces forages en eaux très profondes. Cela aura un coût, sans doute très important, pour toutes les grandes compagnies pétrolières qui auraient donc bien tort de se réjouir des difficultés de leur grande rivale britannique.

L’issue pour BP c’est de trouver au plus vite une solution pour boucher le puits. Pour le moment, la solution technique la plus fiable ce sont les deux puits de contournement qu’elle est en train de creuser. Mais ils ne seront pas achevés avant la mi-août. D’où la fureur de Barack Obama qui, pour limiter les dégâts médiatiques, est retourné sur les plages de Louisiane ce vendredi 4 juin
 

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