C'est donc une page de l'histoire du Sénégal qui se tourne, après douze années de règne d'Abdoulaye Wade. Le nouveau président de la République sénégalaise s'appelle Macky Sall. Dès l'annonce de la nouvelle, des milliers de personnes se sont rassemblées devant le siège de campagne à Dakar de l'heureux élu, aux cris de « Macky président », « Cette fois ça y est! » ou encore « On a gagné » et en dansant au son d'une musique rythmée poussée à fond par une puissante sonorisation.
Des scènes de liesse similaires ont eu lieu dans plusieurs quartiers de Dakar, y compris au coeur de la ville, place de l'Indépendance, proche du palais présidentiel où de nombreuses manifestations de l'oppostion avaient été interdites avant le premier tour. Le nouvel élu a également réagi pour exprimer sa satisfaction avec humilité. Le « grand vainqueur » du second tour de l'élection présidentielle de dimanche est le peuple sénégalais, a affirmé Macky Sall. Il a rendu hommage à ceux qui ont voté pour lui, et salué ceux qui ont porté leur choix sur l’autre candidat.
Dans le camp adverse, les coeurs n'étaient pas à la fête. Toutefois, avant même l'annonce des résultats, « beau joueur », Abdoulaye Wade a téléphoné dans la soirée à celui qu'il appelait son « apprenti », Macky Sall, son ancien ancien Premier ministre qui devient donc président de la République pour le féliciter, avant même les premiers résultats officiels qui sont attendus demain. Serigne Mbacké Ndiaye, porte-parole d'Abdoulaye Wade déclare :
« Le président de la République, en lisant les résultats qui sont en train de tomber, a décidé de féliciter son adversaire Macky Sall et de reconnaître ainsi qu’il a gagné. Et ce qui est important pour nous c’est de respecter le choix des Sénégalais. Le Sénégal est une très grande démocratie, le peuple sénégalais est un peuple mûr. Une défaite n’est jamais agréable. Mais si la défaite vous a été infligée par quelqu’un que vous avez couvé, à qui vous avez confié toutes les responsabilités, si c’est ce quelqu’un qui vous inflige une défaite, cela veut dire que les graines que vous avez semées sont bonnes et que les fruits mûrissent. C’est cela le message qu’il faut retenir ».
Dans la nuit, c’est une déclaration du président sénégalais qui a été envoyée aux médias. Abdoulaye Wade y remercie ses militants et ses sympathisants. Il fixe déjà le cap des législatives de juin prochain : « En direction de cette importante échéance, je vous invite à renforcer l’unité du parti, taire les querelles et resserrer nos rangs, pour relever les défis devant nous ». Abdoulaye Wade souhaite aussi bonne chance à Macky Sall afin qu'il réussise sa mission à la tête du Sénégal au grand bonheur des Sénégalais, et il se félicite de la transparence dans laquelle s'est déroulée cette élection. La transparence dont se satisfait également le président de la Céna, Commission électorale nationale chargée de superviser le scrutin, c'est encore une preuve de la maturité du peuple sénégalais et de la classe politique, a-t il déclaré.
Pour sa part, Henri de Raincourt, ministre français à la Coopération, quelques heures avant qu'Abdoulaye Wade reconnaisse sa défaite, assurait sur RFI que la France respecterait le choix des Sénégalais et travaillerait avec le prochain président sans aucune différence ou divergence.
Invité sur France Info, Nicolas Sarkozy a parlé d'une bonne nouvelle pour le Sénégal mais aussi pour toute l'Afrique. Le président français a tenu à féliciter le président sortant Abdoulaye Wade, ainsi que son successeur, Macky Sall pour la bonne tenue du scrutin.
Les attentes des Sénégalais
Macky Sall élu, quelles sont désormais les priorités du nouveau président? Pour les Sénégalais, la priorité se résume en deux mots : demande sociale. Et une trilogie : prix, emplois, salaire. Macky Sall a devant lui une montagne qu' Abdoulaye Wade n’est pas parvenu à gravir en douze années à la tête de l’Etat. Améliorer l’emploi et le pouvoir d’achat. La grande majorité des Sénégalais se plaint des prix trop élevés des denrées de première nécessité, que ce soit le sac de riz, le litre d’huile ou le gaz de cuisine.
Macky Sall va devoir passer des promesses aux propositions. Il s’est engagé à diminuer rapidement les prix et à créer à terme 500 000 emplois. Il lui faudra aussi résoudre l’épineuse question de l’approvisionnement en électricité, un écueil sur lequel s’est fracassé le navire socialiste en 2000 et que n’a pas su éviter le PDS, Parti démocratique sénégalais, depuis.
Macky Sall veut réformer en profondeur le secteur de l’énergie, saura-t-il instaurer ordre et transparence dans une filière opaque et inefficace? Mais les Sénégalais l’attendent aussi sur les questions de gouvernance. Acclamé pour s’être opposé à ce que l’on appelle la dévolution monarchique du pouvoir, à savoir les velléités prêtées à Abdoulaye Wade de placer son fils à la tête du pays, il entend respecter la séparation des pouvoirs et renforcer les institutions.
Une présidence respectueuse des normes, c’est son objectif et il souhaite le démontrer en s’appliquant la réduction de sept à cinq ans du mandat présidentiel.