Rien n'y a fait. Ni le coup de téléphone du président François Hollande au roi du Maroc ni non plus ceux des ministres Laurent Fabius et Christiane Taubira à leurs homologues marocains.
Piqué dans son orgueil, le Maroc ne veut pas se contenter de mot ; il veut des actes. Car la convocation du directeur du contre-espionnage par des policiers français, qui, circonstance aggravante se sont présentés à l'ambassade marocaine à Paris, est considérée au Maroc comme une atteinte grave à la souveraineté du royaume.
Rabat estime que d'autres méthodes existaient et s'étonne d'un comportement aussi « blessant » de la part d'un « pays frère ». Au Maroc, on veut par ailleurs la garantie que cet homme-clé de la lutte anti-terroriste pourra voyager librement, et continuer d'aider la France sans la menace de procédures judiciaires. Des procédures que le Maroc considère être sans fondement.
La suspension de la coopération judiciaire est donc un geste politique fort, destiné à réveiller une France qui pour l'instant se contentait de « regrets » sans portée concrète. Considérant que les accords ont été bafoués, le Maroc a donc décidé de les rendre provisoirement inopérants. Une manière de mettre la pression sur Paris. Il ne fait pourtant pas de doute que les discussions entre les deux capitales vont se poursuivre. La question est de savoir jusqu'où et jusqu'à quand
Les effets du gel de la coopération judiciaire
C'est surtout dans le domaine civil que ce gel aura le plus d'effets. Un mariage en France ne pourra plus être reconnu au Maroc, et inversement. Même chose en cas de divorce, d'adoption, ou même de décès.
Les 700 000 binationaux vivant dans les deux pays seront donc les plus touchés. Mais c'est également le cas dans le domaine économique. Une entreprise française, par exemple, en conflit judiciaire avec un contractuel marocain, n'aura plus aucun moyen de faire appliquer une éventuelle condamnation.
Reste tout de même à savoir dans quelle mesure ce gel sera effectivement appliqué. Une vingtaine de commissions rogatoires sont actuellement en cours avec le Maroc. Ces procédures qui visent à demander l'aide d'un juge étranger pour instruire une affaire sont donc a priori en suspens.
Cependant, la coopération en matière de criminalité internationale, notamment dans le domaine du terrorisme, pourrait toujours se faire par des moyens détournés. En effet, même si le gel était total, on en reviendrait à ce qu'on appelle le principe de réciprocité, c'est-à-dire une reconnaissance des actes judiciaires, ou une aide à l'enquête, qui se ferait au cas par cas.