On le savait depuis quelques temps, Kiev était sous la pression de Moscou pour ne pas signer l'accord d'association avec Bruxelles. C'est d'ailleurs le Premier ministre ukrainien lui-même, Mykola Azarov, qui a révélé les raisons de ce qu'il appelle pour l'instant une « suspension » de l'accord. « Nous devons assurer la sécurité nationale, relancer les relations économiques avec la Russie et préparer le marché intérieur à des relations d'égal à égal avec l'Union européenne », a-t-il dit.
Il faut souligner aussi que le chef du gouvernement de Kiev était rentré la veille, « très satisfait » d'un sommet de la Communauté des Etats indépendants dont font partie tous les pays de l'ex-URSS, sauf la Géorgie et les Pays baltes.
Il est très difficile à dire si finalement l'Ukraine va sortir gagnante d'un rapprochement avec la Russie et les pays ex-soviétiques, au détriment d'une association avec l'Union européenne. A long terme sûrement pas. Mais à court terme et tout en laissant de côté les enjeux politiques, cela pourrait être la solution la moins onéreuse. L’intégration des standards européens par l'Ukraine coûterait environ 120 milliards d'euros, alors que l'accord d'association ne prévoit aucune aide pour Kiev et que le pays souffre sur le plan économique. La dette à court terme de l'Ukraine représente une fois et demie ses réserves de change et il faudra rembourser six milliards d'euros au Fonds monétaire international d'ici la fin de l'année.
La Russie change son fusil d'épaule
On peut se poser la question si la Russie s'est montrée plus généreuse que les Européens dans ses négociations avec l'Ukraine. En tout cas, Moscou est en train de passer de la politique du bâton à celle de la carotte dans ses relations commerciales avec Kiev. La guerre du gaz d'il y a quatre ans n'est plus qu'un mauvais souvenir. Certains des obstacles douaniers mis en place l'été dernier, notamment l'interdiction des produits ukrainiens de la marque Roshen, qui a provoqué ce qu'on a appelé « la guerre du chocolat », sont encore en place, certes. Mais la Russie peut à tout moment lever ces obstacles et, surtout, elle s'est montrée beaucoup mieux disposée récemment ; elle a par exemple proposé des tarifs avantageux et des crédits pour les fournitures de gaz. Apparemment, l'Ukraine a choisi la meilleure offre à court terme sur le plan économique.
Le refus de Kiev de signer l’accord n’a finalement pas énormément surpris à Bruxelles, même si la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a exprimé sa « déception ». Elle a aussi souligné sa conviction que l'avenir de l'Ukraine passe nécessairement par une relation forte avec l'Union européenne. D'ailleurs, certains responsables européens ne renoncent pas à tout espoir dans ce sens, même s'il est peu probable qu'un revirement de Kiev puisse se produire avant les élections ukrainiennes de 2015. Pour l'instant, le président russe Vladimir Poutine accuse l'Occident de faire du chantage et des pressions à l'encontre de l'Ukraine
Le cas Timochenko
L'ancien Premier ministre ukrainienne Ioulia Timochenko, toujours emprisonnée, espérait pouvoir sortir de prison et aller se faire soigner en Allemagne, à la faveur d'un accord entre l'Union européenne et son pays. Ioulia Timochenko purge une peine de sept ans de prison ferme pour abus de pouvoir et elle est aussi inculpée dans d'autres procès, dont un pour meurtre.
L'Union européenne a demandé sa libération, parlant de procès organisés pour des raisons politiques. Mais les espoirs de Ioulia Timochenko d'aller se faire soigner en Occident semblent s'amenuiser, la condition posée par Bruxelles pour la conclusion d'un accord semble aujourd'hui caduque. D'ailleurs Ioulia Timochenko joue sa dernière carte ; après des mois de silence, de sa prison, elle appelle ses partisans à descendre dans la rue et manifester contre l'abandon de l'accord d'association par Kiev.
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