L’Organisation de la coopération islamique avait suspendu l’an dernier la Syrie de son organisation. Va-t-elle réussir cette année à faire avancer ce dossier syrien qui est dans une impasse totale ? Rien n’est moins sûr. Les pays membres de l’OCI sont divisés.
« L’Iran, comme la Russie, est engagé à un niveau de co-belligérance exceptionnel aux cotés du régime, rappelle Jean-Pierre Filiu*, professeur à Sciences Po, en déversant des armes mais aussi en engageant des conseillers dans les opérations de combats et de répression ».
En face, les pays du Golfe soutiennent l’opposition, dans une moindre mesure. « Le Qatar fait surtout des conférences, faisant pression sur l’opposition avec des arguments sonnants et trébuchants (…) L’Arabie saoudite mise sur tous les chevaux qui lui paraissent jouables, entre autres les groupes jihadistes qui bénéficient d’un soutien du Golfe ».
Ces deux blocs ont-ils une chance de s’entendre et de trouver une sortie de crise ? Pour Fabrice Balanche, maitre de conférence à l’université de Lyon, « l’OCI milite normalement pour la paix entre tous les pays musulmans et pourrait essayer de faire baisser la pression. Le problème c’est (…) qu’on est dans une lutte entre l’axe turco-saoudien et l’axe iranien, et il sera difficile à l’OCI de prendre des mesures concrètes pour un apaisement du conflit en Syrie ».
L’Egypte en médiatrice ?
L’Egypte, hôte de cette 12e conférence de l’Organisation de la coopération islamique, pourrait-elle jouer les médiateurs ? Là encore, Fabrice Balanche reste perplexe. L’Egypte « essaie de réentrer dans le jeu diplomatique(…). Rapprochée de l’Iran, elle va peut-être essayer d’avoir une position plus modérée vis-à-vis de la Syrie, mais ce n’est elle qui a le plus de poids au sein de l’OCI. » Pour Jean-Pierre Filiu, « l’Egypte est tellement absorbée par ses problèmes internes qu’on la voit mal projeter une action diplomatique ».
A défaut d’avancée concrète, l’OCI devrait encourager le dialogue direct entre le régime et l'opposition syrienne. Moaz al-Khatib, le chef de la Coalition nationale syrienne, principale force de l'opposition, a proposé la semaine dernière un dialogue avec certains membres du régime.
Mais beaucoup d'experts pensent qu'il y a peu de chance que cela aboutisse. Fabrice Balanche ne croit ni en la bonne volonté de l’opposition, ni en celle du régime. La Coalition nationale syrienne veut « bien négocier mais uniquement du départ de Bachar el-Assad et s’il libère des centaines de milliers de prisonniers de ses geôles. Quant au régime, il ne veut pas négocier avec Moaz al-Khatib, (considéré comme un) esclave de l’Occident ».
Peu de chance de dialogue entre le régime et l’opposition
Le dialogue semble donc difficile d'autant plus que l'opposition est divisée sur l'opportunité de discuter avec certains membres du régime, même si c'est pour évoquer une transition. Reste donc les armes.
« Si on veut en finir, armons la révolution syrienne, proclame Jean-Pierre Filiu, pour qu’elle puisse casser ce régime, qui tant qu’il ne sera pas brisé, continuera à faire couler le sang syrien ».
Les pays occidentaux et les pays arabes ne semblent pas prêts à intervenir directement. Pour Stéphane Valter, professeur de Langue et civilisation arabe de l'université du Havre, personne n'aurait intérêt à régler le conflit en Syrie. « Tant que les frontières n’explosent pas, que les armes chimiques restent dans les stocks, ce n’est pas un dossier brûlant qui nécessite une intervention des pays occidentaux et des pays arabes. Ce serait trop couteux et il y aurait trop peu de gains, il n’y a pas de pétrole ».
Stéphane Valter estime que le conflit durera comme la guerre civile libanaise, et qu’il se terminera à l’usure. En attendant, « la Syrie sera bientôt un pays sans peuple ». 700 000 personnes se sont déjà réfugiées à l'extérieur de la Syrie, selon l'ONU, sans compter le lourd bilan des victimes : plus de 60 000 morts en presque deux ans de conflit.
*Auteur de « Le nouveau Moyen-Orient : les peuples à l'heure de la révolution syrienne » (Fayard).