Avec notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti
Le décret annule en fait un arrêté administratif du Conseil suprême des forces armées considérant l’Assemblée comme dissoute en application du jugement de la Haute Cour constitutionnelle. Cette dernière avait statué que la loi électorale était anticonstitutionnelle et que tout ce qui en avait découlé était nul et non avenu et que l’Assemblée était donc dissoute.
Le décret de Mohamed Morsi est en fait une annulation de facto du verdict de la Haute Cour. Celle-ci avait, en effet, précisé que son arrêt était exécutoire immédiatement et qu’il n’avait besoin d’aucune procédure pour être appliqué.
C’est la première fois qu’un chef d’Etat égyptien conteste une décision de la Haute Cour constitutionnelle. Même Hosni Moubarak s’y était soumis.
Le décret présidentiel a aussi annoncé que des élections parlementaires anticipées auront lieu 60 jours après l’adoption de la nouvelle Constitution par référendum. L’Egypte aurait donc de nouvelles élections législatives vers la fin de l’année si l’Assemblée constituante n’est pas dissoute et si elle parvient à surmonter ses divisions.
« Première étape du fascisme religieux »
La décision du président égyptien a divisé l’Egypte. D’un côté, les islamistes soutenus par des mouvements révolutionnaires, de l’autre l’armée soutenue par les laïcs et d’autres mouvements révolutionnaires.
Pour les experts juridiques partisans de Morsi, « le président a annulé par décret une décision du Conseil militaire et non le jugement de la Cour constitutionnelle ». Une cour que le chef de l'Etat « avait trop respecté », a estimé le Frère musulman Mohamed el-Beltagui.
Mais pour les constitutionnalistes comme Hossam Issa, il s’agit « d’une agression de l’exécutif sur le pouvoir juridique qui restaure une Assemblée qui n’a jamais existé du fait de l’invalidité de la loi électorale ».
Au niveau politique, les islamistes soutiennent que la décision de Morsi tire sa légitimité « de la révolution », tandis que les laïcs estiment que « ce retour à la loi de la jungle est la première étape du fascisme religieux ».
Cette confrontation préoccupe la majorité des Egyptiens, qui pensaient qu’avec l’élection d’un président, ils allaient enfin retrouver la stabilité.