La déclaration de ce lundi 16 avril au matin, faite au nom de cinq candidats du premier tour, a été lue par Kumba Yala, celui qui aurait dû affronter Carlos Gomes Junior si le second tour avait eu lieu. Un homme dont les connexions avec l’armée alimentent toutes les spéculations sur son rôle dans le coup de force.
Ces 5 opposants disent justement qu’ils condamnent « fermement » le soulèvement militaire du 12 avril et exigent le retour « rapide » à l’ordre constitutionnel. Mais ils s’en prennent surtout à la CPLP, la Communauté des pays de langue portugaise, qui a mis en cause leur responsabilité dans le déclenchement de l’intervention de l’armée.
Les 5 candidats, par la voix de Kumba Yala, estiment que la CPLP pratique la politique du « deux poids, deux mesures » : elle est rapide à s’indigner quand « il s’agit de protéger quelqu’un à son service » (sous-entendu Carlos Gomes Junior), alors - disent ces candidats - que personne ne les a écoutés quand ils ont dénoncé « un processus électoral vicié ».
Ces opposants à Carlos Gomes Junior démentent toute implication dans le coup de force. « Nous rejetons les insultes proférées par la CPLP », a déclaré Kumba Yala au nom de ses compagnons, en ajoutant, « la vérité finira par éclater un jour ».
Un Conseil national de transition
Ils ont travaillé pendant deux jours. Samedi, entre eux, à l’Assemblée, puis hier, dimanche, au Club sportif de l’armée avec la hiérarchie militaire. Les partis politiques qui ont accepté de coopérer avec l’état-major pour mettre en place une transition après le coup de force de jeudi 12 avril se sont finalement exprimés dimanche 15 avril, en fin d’après-midi, par la voix de leur porte-parole, Fernando Vaz.
« Nous avons créé ici un Conseil national de transition, ce qui implique la dissolution de toutes les institutions et la suspension de la Constitution de la République. Nous avons également créé une commission diplomatique qui va recevoir demain la Commission de la Cédéao, venue effectuer une mission pour parler de la situation de crise que nous vivons, et une autre commission, sociale, chargée de l'accompagnement et de la gestion des affaires urgentes comme l'eau et l'électricité ».
La taille, la composition de ce Conseil national de transition et la durée de son mandat doivent être discutées au cours d’une nouvelle réunion avec le commandement militaire aujourd’hui.
Cette formule ne fait pourtant pas l’unanimité au sein de la classe politique. « Je regrette qu’on soit allé chercher une solution à cette crise en dehors de la Constitution bissau-guinéenne », déplore un homme politique,« c’est ouvrir la porte à beaucoup de choses ».
Opération « Séduction »
Une mission de la Commission de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) doit venir aujourd'hui lundi 16 avril à Bissau. L'état-major bissau-guinéen semble avoir bien compris l'enjeu des condamnations internationales et essaie de convaincre depuis deux jours du bien-fondé de son intervention.
Depuis que les militaires bissau-guinéens ont réussi à neutraliser l’homme qui les gênait, le Premier ministre Carlos Gomes Junior, depuis qu’ils ont réussi à contrecarrer sa probable élection au poste de président, l’état-major tente de rendre cette nouvelle intervention de l’armée dans la vie politique bissau-guinéenne plus présentable.
Samedi, dans son communiqué n°7, la hiérarchie militaire s’est efforcée de tenir un langage de séduction vis-à-vis des politiques et de la communauté internationale. Elle a affirmé qu’elle faisait de gros efforts pour créer les conditions d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel, et déclaré qu’elle voulait aider à relancer la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité. Tout comme elle souhaite en finir avec la culture chronique de l’impunité.
Au cours du week-end, les militaires ont donc obtenu le soutien de certains partis bissau-guinéens qui ont tenté de donner un peu de légitimité politique au coup de force. L’armée bissau-guinéenne peut-elle, de cette manière, réussir à amadouer la communauté internationale ? On peut en douter, au vu du ton employé dans les communiqués de condamnation de ces derniers jours.
Fermeture des frontières
Les militaires bissau-guinéens ont annoncé ce dimanche 15 avril, la fermeture des frontières maritimes et aériennes et cela, « pour une question de sécurité nationale et de sauvegarde de l’intégrité territoriale de la république de Guinée Bissau ». Les bateaux et les avions qui veulent venir dans le pays doivent désormais obtenir au préalable une autorisation de la hiérarchie militaire.
Le commandement militaire a pris cette mesure sans préciser la date et la durée de la fermeture. Elle fait suite à la décision du Portugal d’envoyer en Guinée-Bissau deux frégates pour transporter ses ressortissants qui le désirent. Le commandement militaire se dit prêt à défendre l’intégrité territoriale de son pays.
Depuis le coup de force de jeudi 12 avril et surtout l’arrestation du président intérimaire Raimundo Pereira et du Premier ministre Carlos Gomez Junior, les dirigeants portugais n’ont cessé de multiplier des déclarations hostiles à l’armée bissau-guinéenne.
L’ancienne puissance coloniale préconise même l’envoi à Bissau d’une force mixte d’interposition, constituée par des éléments de la Communauté des pays d’expression portugaise et de la Cédéao, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest.