Les combats dans plusieurs régions du Soudan menacent non seulement la paix avec le Soudan du Sud mais font également fuir des milliers de personnes vers ce tout jeune Etat devenu indépendant le 9 juillet dernier.
« Les chiffres sur lesquels nous nous basons pour nous préparer au pire se situent entre 300 000 et 500 000 personnes » qui vont se réfugier au Soudan du Sud, a déclaré, à Juba, la capitale du Soudan du Sud, Ramiro Lopes da Silva, le directeur général adjoint du PAM. Il a également précisé que « dans quelques mois, nous serons dans la saison de la faim, tant au Soudan qu’au Soudan du Sud, et l’impact sur ces populations est potentiellement très grave ».
80 000 réfugiés depuis juin 2011
Depuis le mois de juin dernier et d’après l’ONU, le Soudan du Sud a vu affluer quelque 80 000 réfugiés fuyant des combats au Soudan, notamment dans les Etats du Sud-Kordofan et du Nil Bleu. Ces conflits ont forcé 80 000 Soudanais à traverser la frontière vers les Etats d’Unity et du Haut Nil, au Soudan du Sud. Environ 35 000 autres ont trouvé refuge en Ethiopie voisine.
La semaine dernière, le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) faisait état de 1 200 personnes qui fuyaient chaque jour l’Etat du Nil Bleu vers le Soudan du Sud.
De son côté, et lors de sa visite au Soudan du Sud, le 10 janvier dernier, Antonio Guterres, Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, avait appelé la communauté internationale à fournir une aide humanitaire massive au Soudan du Sud, confronté à de multiples crises de déplacement de population.
Des millions de personnes également victimes de la faim
Le PAM prévient que le spectre de la famine qui se rapproche du Soudan du Sud est non seulement causé par l’insécurité mais également par les mauvaises récoltes et la sécheresse.
Les prix alimentaires ont déjà doublé ou triplé dans certaines zones et la fermeture fréquente de la frontière entre le Soudan du Sud et le Soudan est venue aggraver la situation. Perturbé, le commerce des denrées alimentaires conduit à des pénuries et à des prix alimentaires élevés, essentiellement dans les Etats frontaliers du Soudan du Sud. Autre conséquence, la difficulté, pour le PAM, à reconstituer ses stocks alimentaires. Le Programme alimentaire mondial se débat avec une autre urgence, celle de pouvoir acheminer les produits alimentaires sur place avant la fin mars c'est-à-dire, avant le début des pluies car à partir de ce moment-là, 60% du pays est coupé.
La nature des conflits actuels a changé
Les violences interethniques visaient traditionnellement à voler le bétail mais la nature des conflits actuels est devenue autre. Cette semaine, le Soudan du Sud a accusé le Soudan d’armer des « miliciens », responsables de la mort de près de 80 personnes dans une attaque intertribale. Selon le ministre sud-soudanais de l’Intérieur, des hommes armés de l’ethnie Nuer, venus de l’Etat d’Unité (nord du Soudan du Sud), ont lancé un assaut ce week-end sur des zones Dinka, dans la province voisine de Warrap. Le groupe de miliciens était armé par le « gouvernement de Khartoum », affirme le ministre. Le Soudan a, pour sa part, rejeté cette accusation.
Face à cette situation de plus en plus tendue, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, estime que la crise entre le Soudan et le Soudan du Sud est devenue « une menace majeure pour la paix et la sécurité » régionales.
Les deux nouveaux Etats s’affrontent également et plus directement sur la démarcation de leur frontière commune ainsi que sur le partage des ressources pétrolières dont les trois quarts des réserves du brut sont détenus par le Soudan du Sud. Juba a entretemps affirmé dimanche 29 janvier avoir suspendu presque entièrement sa production de pétrole, estimant insuffisantes les concessions avancées par Khartoum.
C’est ainsi qu’au nord des régions frontalières qui séparent les ennemis d’hier, plusieurs populations résistent par les armes au régime de Khartoum et demandent à être réunis au Soudan du Sud.