Rachat d’Uramin par Areva: soupçon d’escroquerie

Le géant français du nucléaire Areva, victime possible d'une escroquerie lors de l’achat d’Uramin, une société de gisements d’uranium en Afrique. C’est ce que révèle un rapport confidentiel, réalisé à la demande de la Direction du patrimoine d’Areva, cité ce vendredi 13 janvier 2012 par le quotidien Le Parisien.

Lorsqu’en juin 2007, Areva achète la société canadienne Uramin, c’est pour exploiter ses gisements d’uranium prometteurs dans trois pays africains, la Namibie, l’Afrique du Sud et la Centrafrique. Les gisements identifiés par Uramin devaient, en effet, conduire à une production de plus de 7 000 tonnes d'uranium par an après 2012, comme l’annonçait fièrement à l'époque le géant français qui cherchait à sécuriser ses approvisionnements en combustible nucléaire.

Mais quatre ans plus tard, la pépite se transforme en gouffre financier. Non seulement, les gisements chèrement acquis contiennent moins d’uranium que prévu, mais la société a également été surcoté dans un contexte où le cours de l’uranium était au plus haut. La crise de 2008 et la catastrophe de Fukushima aggravent encore la situation : les prix de l’uranium s’écroulent. Résultat, Uramin ne vaut en 2011 plus que 20% de sa valeur d'acquisition. L’investissement s’avère donc désastreux pour le géant français du nucléaire qui a déboursé 1,8 milliard d’euros.

« Un soupçon de délit d'initié »

Ce sont ces conditions de rachat qui sont aujourd’hui pointées dans un rapport confidentiel commandé par la Direction du Patrimoine d’Areva. L’auteur de cet audit, Marc Eichinger, spécialiste des questions financières et minières, estime qu’Areva aurait été victime d’une escroquerie sans doute facilitée par des complices internes au sein du groupe, lors du rachat d’Uramin.

Dans son rapport, cet expert explique que pour évaluer les réserves minières d’Uramin, Areva n’a utilisé que « des documents d'une société américaine, SRK, rémunérée par le vendeur ». Aucune équipe du groupe français « n’a été dépêché sur place » et le groupe français « n’a demandé aucune expertise indépendante ». Il pointe également le fait que le directeur des mines d'Areva à l'époque, Daniel Wouters, était en parallèle responsable d'une société d'exploration minière en Afrique, Swala Resources, et « connaissait le mari d'un cadre dirigeant » dont il ne peut « pas dévoiler le nom ». Dans ses conclusions, le rapport n’hésite pas à évoquer « un soupçon de délit d'initié avec des opérateurs ayant connaissance très tôt de l’OPA en 2007 », Areva ayant payé un prix excessif pour Uramin.

Un nouvel audit interne

Ce désastre financier a plombé les résultats du groupe, ainsi que le bilan de l’ex-présidente Anne Lauvergeon, évincée du groupe public au printemps 2011, au profit de son numéro deux, Luc Oursel. En 2011, Areva a annoncé des pertes de 1,6 milliard d'euros, les plus lourdes jamais enregistrées par le groupe depuis sa création il y a dix ans. Pour redresser la barre, le nouveau président Luc Oursel, a annoncé un plan de redressement qui prévoit une économie d’un milliard d’euros par an d’ici 2016 et une réduction d’effectifs du personnel.

Ce rapport confidentiel de Marc Eichinger intervient sur fond de conflit ouvert entre Anne Lauvergeon et Areva. Rappelons le, c’est Anne Lauvergeon qui a décidé de cette opération d’Uranim. Le patron actuel du groupe, Luc Oursel, alors numéro 2, avait, lui aussi, soutenu cette opération. Le parquet de Paris a par ailleurs ouvert, fin 2011, une enquête préliminaire après une plainte contre X déposée par Anne Lauvergeon pour une affaire d'espionnage présumé contre elle et son mari qui serait, elle aussi, liée à Uramin.

Reste que les conclusions du rapport de Marc Eichinger doivent encore être confirmées début février par un nouvel audit interne, confié à trois administrateurs indépendants. Le paiement de 1,5 million d’euros d’indemnités de départ à Anne Lauvergeon est suspendu aux conclusions de ce rapport interne.

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