Un rapport d’Amnesty International épingle les ex-rebelles libyens pour «crimes de guerre»

L’ONG de défense des droits de l’homme, Amnesty International, vient de rendre public un rapport de 112 pages sur les exactions commises en Libye depuis le début du soulèvement de la mi-février. Si le régime de Kadhafi est tenu responsable de nombreux crimes de guerre, les anciens rebelles, désormais maîtres du pays, ne sont pas épargnés.

Il ne fallait sans doute pas moins de cent pages pour répertorier les nombreux manquements aux droits de l’homme que pouvait engendrer le conflit libyen. Intitulé « Bataille pour la Libye : assassinats, disparitions et torture », le denier rapport d’Amnesty international condamne certes, sur de longues pages, les agissements des pro-Kadhafi, mais réserve tout un passage également, à ceux des ex-rebelles. Un document dérangeant, tant par les faits relatés que par le « timing » de sa publication, à l’heure où le Conseil national de transition pose ses bagages dans la capitale Tripoli.

 

 

« Les manifestants à al-Bayda se sont rendus maîtres de la base aérienne de la ville, et ont exécutés cinquante mercenaires africains, ainsi que deux conspirateurs libyens », a ainsi relaté, le 18 février dernier, Amir Sa’ad, un activiste politique de Derna aux observateurs de l’ONG, qui ont eux-mêmes constaté des événements similaires dans d’autres villes prises, à l’époque, par les insurgés. Près de l’ancien bastion de la rébellion, Benghazi, c’est un ex-membre de l’Agence de sécurité intérieure (ISA) qui est retrouvé, pieds et poings liés, tué d’une balle en pleine tête avec cette note : « un chien de Kadhafi parmi d’autres a été éliminé ». D’autres suivront.

Amnesty International souligne également le nombre important de détentions sans mobile apparent, sinon celui de « déstabiliser la révolution ». Des arrestations qui font d'ailleurs plus souvent figure d’enlèvements, selon l’ONG, et dont certaines ont accouchées de séances de torture. Ce fut le cas, par exemple dans le centre de détention de Misrata.

L’absence de contrôle du CNT

Si ces actes ne faisaient évidemment pas partie d’une ligne politique tracée par le Conseil national de transition, ils résultent d’un manque évident d'autorité de l’organe politique de la rébellion sur ses hommes. Des hommes armés « qui avaient la loi pour eux, manquaient d’entraînement et d’expérience, et qui évoluaient sans aucun contrôle, ni cadre de responsabilités », souligne le rapport.

 

 

Et l’ONG d’insister sur le climat d’impunité qu’entretiennent les responsables des ex-rebelles : « Le CNT est confronté à la tâche difficile de contrôler les combattants de l'opposition et les groupes d'autodéfense responsables de graves atteintes aux droits de l'homme, y compris d'éventuels crimes de guerre, mais se montre réticent à les tenir responsables ».

En réponse, le CNT a publié un communiqué, ce mardi 13 septembre, affirmant que ces comportement n’avaient « plus leur place » dans le pays tout en promettant d’enquêter « de manière exhaustive sur tout incident signalé ».

Les pro-Kadhafi à une « échelle » supérieure

Si les révélations sur les exactions commises par les ex-rebelles font la particularité de ce dernier rapport d’Amnesty International, le document fait néanmoins la part belle à celles des pro-Kadhafi. Reposant sur les témoignages recueillis dans des hôpitaux, des morgues et sur les théâtres d’opération, essentiellement dans les premiers mois des combats (février-mai 2011), les responsables de l’ONG ont disposé d’une manne d’informations contre les hommes du dictateur déchu. Celle-ci pointe particulièrement du doigt les exactions commises à l’encontre des populations civiles, rappelant ainsi, par exemple, que 170 personnes avaient trouvé la mort en une semaine dans les seules villes de Benghazi et de al-Bayda, à la fin février.

Mais si Amnesty International reconnaît que les crimes perpétrés par les opposants ont été « à moindre échelle » que ceux des pro-Kadhafi, les deux parties sont renvoyées dos à dos pour la nature de ces actes dont certains, au regard des conventions de Genève, relèvent du crime de guerre (ceux portant par exemple sur le traitement des prisonniers) quand d’autres sont à rapprocher du crime contre l’humanité.

 

 

Pour poursuivre : The Battle for Libya : Killings, Disappearances and Torture, rapport d'Amnesty International, 13 septembre 2011.

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