Avec notre correspondante à Lagos
Le Nigeria ne peut pas faillir. Les autorités n’en n’ont peut-être jamais été aussi conscientes. Il faut dire qu’après avoir décrié les agissements de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et avoir sermonné les Béninois lors de leur présidentielle, le Nigeria serait bien embarrassé de voir cette élection entachée de fraudes et de violences.
D’autant que suite aux scrutins de 2003 et 2007 -hautement contestés par la communauté internationale- les autorités se sont fait les garants d’élections « libres, justes et transparentes ». Le slogan a été martelé depuis bientôt un an. Et beaucoup de Nigérians ont placé dans ces mots l’espoir qu’enfin, leur bulletin sera compté. Une tache qui ne s’annonce pourtant pas aisée. Avec 73 millions d'électeurs et plus de 120 000 bureaux de vote, organiser des élections « propres » au Nigeria est un vrai défi.
Pas facile non plus, au regard des divisions ethniques et religieuses du pays et des risques de fraudes et de violences qui, de fait, en découlent. Le Parti démocratique du peuple (PDP) au pouvoir est en effet affecté par des rivalités internes.
D’après un gentleman’s agreement qui prévaut au sein du parti, il doit y avoir une alternance du pouvoir entre le Nord musulman et le Sud chrétien tous les deux mandats -huit ans-. Le défunt chef de l’Etat Umaru Yar’Adua n’ayant effectué qu’un seul mandat incomplet, une majorité de nordistes estiment que le pouvoir leur revient. Sauf que les primaires du parti en janvier dernier en ont décidé autrement. La majorité des gouverneurs ont opté pour le chef de l’Etat sortant Goodluck Jonathan.
Pour que le prochain président nigérian soit élu, il faut qu’il capitalise une majorité simple des suffrages au niveau national et plus de 25% des votes dans les 2/3 des 36 Etats de la fédération.
Trois sondages réalisés début avril, créditent le président sortant Goodluck Jonathan de plus de 60% des voix, mais au regard de la forte poussée de l’opposition -ACN et CPC- lors des élections législatives, ce scrutin présidentiel s’annonce serré. Certains observateurs avancent qu’un second tour ne serait pas à exclure. Ce qui serait une première dans l’histoire du pays.
Goodluck Jonathan (PDP)
Inconnu des Nigérians il y a dix ans, Goodluck Jonathan, 53 ans a été propulsé au plus haut sommet de l’Etat en un temps record. Et si rien ne l’y prédestinait vraiment, la vie s’est chargée de lui donner quelques coups de pouces. Natif de l’ethnie Ijaw dans l’Etat de Bayelsa (Delta du Niger) ce diplômé de zoologie qui arbore toujours une tunique traditionnelle et un stetson, a tour à tour été gouverneur adjoint, gouverneur, puis vice-président.
En mai 2010, il accède à la magistrature suprême suite au décès du chef de l’Etat Umaru Yar’Adua. Loin de son volubile et gouailleur protecteur Olusagun Obasanjo, «Goodluck» affiche un sourire et des mots tout en retenue qui ne font pas l’unanimité. «Faible, manque de charisme», disent les uns. Les autres louent son calme qui constituerait la meilleure approche pour initier des changements au Nigeria, même si son année passée au pouvoir n’a pas été marquée par des réalisations tangibles.
Muhammadu Buhari (CPC)
Il l’a annoncé. C’est la troisième et dernière fois qu’il brigue le fauteuil présidentiel. Général à la retraite, Muhammadu Buhari, 69 ans avait brièvement dirigé le Nigeria d’une main de fer entre 1983 et 1985 avant d’être renversé par un putsch. A l’époque, ce fervent musulman, natif de l’Etat de Katsina dans l'extrême Nord, avait initié une «guerre contre l'indiscipline», fait arrêter le musicien Fela Kuti ainsi que de nombreux politiciens accusés de détournements. Une réputation d'incorruptible que le principal opposant du président sortant s’est fait fort de mettre en avant au cours de sa campagne sous la bannière du Congrès pour le changement progressif (CPC). Selon lui, la corruption et l'indiscipline sont toujours les principaux problèmes au Nigeria.
Nuhu Ribadu (ACN)
Avocat de formation nommé chef de la Commission contre le crime économique et financier (EFCC) de 2003 à 2007 sous la présidence d’Olusegun Obasanjo, Nuhu Ribadu, 50 ans, a gagné ses lettres de noblesse en traitant plus d’un millier d’affaires impliquant des politiciens et des magnats de l’industrie accusés de corruption. En 2009, il quitte le Nigeria, affirmant que des menaces pèsent sur sa sécurité. Il y revient un an plus tard, à la mort du président Umaru Yar’Adua lorsque les accusations de manquement à la déontologie ont été abandonnées.
Il se rapproche alors de l’Action congress du Nigeria (ACN) qui le porte candidat en janvier. Reste qu’en dépit d’un travail applaudi par des millions de Nigérians, l’image de l’ex-policier justicier ne passe pas toujours. Beaucoup accusent Nuhu Ribadu d’accepter d’être utilisé comme un outil politique, de faire fi des questions qui entourent le patron de son parti, Bola Tinubu et de n’avoir qu’un seul thème de campagne, sans position claire sur l’économie ou l’éducation.