Comment la CPI compte enquêter sur les crimes commis en Libye

Après avoir été saisi par le Conseil de sécurité des Nations unies, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert, lundi 28 février, une enquête préliminaire sur les crimes commis en Libye. L’Onu lui demande de poursuivre les responsables présumés de crimes contre l’humanité commis depuis le 15 février 2011, début de la révolte en cours contre le régime de Mouammar Kadhafi.

De notre correspondante à La Haye

Dans une résolution adoptée à l’unanimité le 26 février, le Conseil de sécurité des Nations unies a saisi le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) des crimes contre l’humanité commis en Libye depuis le 15 février 2011. La résolution 1970 dénonce « l’incitation à l’hostilité et à la violence émanant des plus hauts rangs du gouvernement libyen et dirigée contre la population civile ». Le procureur a annoncé, lundi, qu’il avait ouvert une enquête préliminaire. Comme la Libye ne reconnaît pas la CPI, il fallait une telle résolution pour lui permettre d’engager une procédure. Elle doit lui permettre d’évaluer, dans les prochaines semaines, son champ de compétence et de décider d’ouvrir, ou non, une enquête contre les responsables des violences perpétrées contre les civils en Libye. « D’après les informations dont nous disposons, les forces loyales au président Mouammar Kadhafi attaquent des civils en Libye, a déclaré le Procureur Luis Moreno-Ocampo. Ces attaques pourraient constituer des crimes contre l’humanité et doivent cesser. »

Le procureur n’a pas de forces de police

Adoptée à l’unanimité, la résolution du Conseil de sécurité ne contraint cependant pas tous les Etats membres à coopérer avec la Cour. Seuls ceux qui ont ratifié le traité l’établissant – ils sont 114 aujourd’hui – ainsi que la Libye, sont obligés de coopérer avec elle. La résolution 1970 ne formule en revanche aucune obligation pour les Etats membres de l’Onu qui n’ont pas ratifié le traité de la Cour, dont la Chine, la Russie et les Etats-Unis. Et sans forces de police, le procureur est tenu de s’appuyer sur la coopération des Etats pour enquêter et procéder aux arrestations. Par ailleurs, l’Onu ne fournit pas à la Cour les moyens financiers pour conduire son affaire et renvoie la question aux Etats qui ont ratifié son traité. A ce jour, la CPI dispose d’un budget de plus de 100 millions d’euros pour conduire les cinq enquêtes en cours, toutes en Afrique, et mener à terme ses trois premiers procès.

Mouammar Kadhafi, cible de la CPI ?

Le Haut commissariat aux droits de l’homme, la Ligue arabe et l’Union africaine ont déjà annoncé qu’elles conduiraient des enquêtes sur les violences perpétrées en Libye contre les civils. Ces enquêtes devraient faciliter la tâche du procureur. Le Conseil de sécurité a aussi arrêté des sanctions à l’encontre de nombreux hauts responsables du régime Kadhafi. Cinq de ces individus, dont le colonel Mouammar Kadhafi et trois de ses fils, se voient notamment reprocher leur participation dans la répression du soulèvement populaire qui secoue la Libye depuis mi-février. Ils pourraient être visés par la CPI.

« Une nouvelle forme de terrorisme international »

C’est la seconde fois que la Cour pénale internationale est saisie par le Conseil de sécurité de l’Onu. Le 31 mars 2005, la situation du Darfour, région de l’ouest du Soudan, lui avait été aussi déférée. Depuis, la Cour a notamment délivré deux mandats d’arrêt pour génocide et crimes contre l’humanité à l’encontre du chef de l’Etat soudanais, Omar el-Béchir. Mais ce dernier n’est toujours pas incarcéré aux Pays-Bas, dans la prison de la CPI. Mouammar Kadhafi a d’ores et déjà rejeté cette nouvelle résolution des Nations unies. Lors de l’émission des mandats d’arrêt contre son homologue soudanais, Mouammar Kadhafi avait dénoncé la CPI comme étant « une nouvelle forme de terrorisme international ».

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