Avec notre envoyée spéciale, à La Haye, Sarah Tisseyre
Un homme intelligent, charismatique, et manipulateur. Voilà Charles Taylor, tel que le décrit Brenda Hollis, procureur en chef. Pour elle, c’est clair, il est derrière les crimes commis par le RUF dans les années 1990 en Sierra Leone, les amputations, les viols, les meurtres, l’utilisation d’enfants soldats, etc…
« Charles Ghankay Taylor a mis en place, dirigé, alimenté et soutenu la campagne de terreur menée par ses subordonnés, dit elle, voilà pourquoi nous sommes là aujourd’hui».
Il a créé, et entraîné le RUF, précise Brenda Hollis, il leur a fourni armes et munitions, leur a donné des ordres…
« Charles Taylor était le père, le parrain de ces forces. Les leaders rebelles parlaient de lui comme de leur patron, leur grand frère, leur chef », ajoute-t-elle.
Il avait connaissance des crimes commis et n’a rien fait pour les empêcher, ajoute Brenda Hollis. Et pour elle, Charles Taylor n’a fait qu’exporter une tactique de la terreur déjà utilisée par sa faction au Libéria :
« Ses troupes au Libéria plaçaient des intestins et des crânes humains aux checkpoints, pour créer la peur. Et Mr Taylor vous a confirmé qu’il y avait des crânes, qu’ils étaient utilisés comme symbole de la mort, et qu’il ne voyait pas le problème ».
Mais tout cela dans quel but ultime ?, demande l’un juge. Réponse du procureur : pour piller les ressources de la Sierra Leone, et notamment ses diamants. L’équipe du procureur a fait le compte. D’après elle, 25 des témoins venus à la barre ont affirmé que Charles Taylor avait reçu des diamants du RUF.
Le coup de théâtre de la défense et de l'accusé
Le procureur a prononcé son réquisitoire. Un réquisitoire boycotté par la défense et par l’accusé. La défense est en colère. L’avocat de Charles Taylor s’en est expliqué mardi à l’audience, les mains tremblantes. Me Courtenay Griffits reproche aux juges d’avoir refusé de lire la version écrite de sa plaidoirie, sous prétexte qu’elle leur est parvenue avec 20 jours de retard. Nous reprocher 20 jours de retard, pour un procès de 3 ans, ça n’est pas raisonnable, lance Me Griffiths.
« Nous avons analysé pendant des mois des milliers de pages de documents, dit il. Comment peut-il être dans l’intérêt de la justice que tout cela soit rejeté juste avant que nous plaidions !? »
Et de souligner que le document final de l’accusation, arrivé à temps, a lui été accepté. Un bras de fer commence avec les juges, le ton monte.
Le juge Lussick : « Mr Griffiths, à plusieurs reprises votre client et vous, n’avez pas respecté les décisions de la Cour…Ca n’est pas vous qui dirigez cette cour, vous savez !»
L’avocat commence alors à ranger ses affaires, prêt à partir, sans l’autorisation des juges, qui le menacent de poursuites pour outrage à la Cour.
« Monsieur Griffiths, s’il vous plaît, rasseyez vous…», demande la présidente.
En vain ! Théâtral, Me Griffiths quitte la salle. Charles Taylor, encadré par ses gardes, se voit contraint d’écouter seul, et souvent paupières closes, pendant deux heures, le réquisitoire. Il profite de la pause café pour se déclarer souffrant et se faire ramener en cellule.
La juge présidente soupire, avant de redonner la parole au procureur : « il y a déjà eu beaucoup de retard, dit elle… Continuons…».
Me Griffiths ne l’entend pas de cette oreille. Il assure qu’il ne sera pas à l’audience ce mercredi 9 février comme prévu. Avant de plaider, il veut qu’une chambre d’appel contraigne les juges à lire ce fameux document, ces fameuses 800 pages qui résument les arguments de la défense.
Le verdict du procès Charles Taylor est attendu courant 2011.