Avec notre envoyée spéciale à La Haye, Sarah Tisseyre
« Charles Taylor se pose en victime d’une conspiration internationale, dit Brenda Hollis, procureure en chef, mais les victimes, Mesdames et Messieurs les juges, vous les avez vues, elles sont venues vous raconter ce qu’elles ont vécu en Sierra Leone, à cause des actes et des choix de Monsieur Taylor ».
Ancienne militaire de l’US Air Force, Brenda Hollis a le verbe précis et le visage fermé. Elle rappelle les atrocités du RUF (Front révolutionnaire uni), les meurtres, amputations, viols, les enfants soldats, les gens brûlés vifs dans leur maison et pour l’accusation, Charles Taylor est le plus haut responsable de ces crimes.
« Charles Taylor a créé le RUF, précise Brenda Hollis. Les leaders rebelles sierra-léonais l’appelaient patron, il leur a fourni armes et munitions, leur a donné des ordres, tout cela dans le but ultime de piller les ressources de ce pays, notamment ses diamants ».
« Aujourd’hui, Monsieur Taylor a affaire à une justice humaine », conclut Brenda Hollis. Son sort dépend de juges impartiaux et non pas des caprices d’un homme armé d’un fusil ou d’une machette ou d’un homme assoiffé de pouvoir et d’argent. Quant à la peine, elle laisse aux juges le soin de la déterminer.
Taylor boycotte le réquisitoire
Le réquisitoire a été prononcé, et c’est une surprise, en l’absence des avocats de Charles Taylor. D’ailleurs lui-même l’ancien président libérien n’y assistait que partiellement.
La journée a commencé sur un coup de théâtre : l’avocat de Charles Taylor qui devait plaider mercredi prend d’emblée la parole ce mardi matin. Il reproche aux juges d’avoir rejeté au dernier moment la version écrite de sa plaidoirie sous prétexte qu’il la leur a donnée avec vingt jours de retard. Un juge hausse le ton : « Ça n’est pas vous qui dirigez la cour, vous savez ». Mais rien n'y fait et malgré la menace de poursuites pour outrages à la cour, maître Griffiths, théâtral, se lève et s’en va.
Charles Taylor derrière lui en aurait fait autant, si ses gardes ne l’en avaient empêché dans un premier temps. Il a donc dû écouter pendant deux heures, seul, le réquisitoire avant de profiter de la pause-café pour se déclarer souffrant et se faire ramener en cellule.