Le Brésilien Lula en tournée africaine

Lula est en Afrique où il bouclera le week-end prochain une tournée qui sera sa dernière sur le continent puisqu'il arrive au terme de son deuxième et ultime mandat. En huit ans de présidence, Lula se sera rendu dix fois dans la région, visitant vingt pays au total. Dans un contexte de grande effervescence de la diplomatie brésilienne, qui se déploie tous azimuts depuis quelques années, les pays africains semblent occuper une place à part.

L'intérêt du Brésil pour le continent africain a d'abord un fondement culturel et historique, ce que Lula n'a pas manqué de souligner dès sa première escale au Cap-Vert le week-end dernier. « Nous ne pourrons jamais payer, ni mesurer en argent, notre dette historique envers l'Afrique. Tout ce que nous sommes, nous le devons au métissage du peuple brésilien », a-t-il dit sous les applaudissements, en détaillant : «  notre façon d'être, notre culture, notre art, notre couleur de peau ».

Il faut dire - et Lula a déjà eu l'occasion de le regretter publiquement - que la forte influence des Africains sur la société brésilienne s'est faite à leur corps défendant, car c'est l'esclavage qui est à l'origine de ce métissage. Un régime inhumain resté en vigueur trois siècles et demi, une durée exceptionnelle : les premiers Africains sont arrivés dès 1538, et le Brésil a été le dernier pays à abolir l'esclavage en 1888.

Il y a aujourd'hui 76 millions d'Afro-Brésiliens, soit près de 40% de la population du pays. Cette communauté souffre de nombreuses inégalités ; mais Lula a cherché à accroître les mesures de justice sociale en sa faveur (aides contre la pauvreté, discrimination positive dans l'éducation et la fonction publique), ce qui n'a pas peu contribué à sa popularité, chez lui et en Afrique.

Le commerce d'abord

La priorité de Lula reste cependant d'ordre commercial, comme en témoigne la présence de quelque 150 chefs d'entreprise dans son sillage. Il l'assume au point que faire étape lundi 5 juillet en Guinée équatoriale, malgré le régime de dictature que connaît ce pays, ne l'a apparemment guère embarrassé. Stéphane Monclaire, professeur à l'Université de Paris I - Sorbonne où il est spécialiste du Brésil, rapporte ce que le chef de la diplomatie brésilienne Celso Amorim a répliqué aux journalistes qui s'interrogeaient sur cet arrêt à Malabo. En substance : « Les affaires sont les affaires... Regardez bien ce beurre qu'on vous sert au petit déjeuner dans les hôtels de Guinée équatoriale ; il est fait en France. Si la France commerce avec ce pays, pourquoi le Brésil n'en aurait-il pas le droit ? »

Cette démarche très pragmatique et offensive diffère pourtant de celle de la Chine, avec laquelle le Brésil se trouve en concurrence sur le continent africain. Selon Antonio Carlos Lessa, historien à l'université de Brasilia, « il ne s'agit pas seulement de commerce, ni d'investissements, ni même de soutien aux prétentions du Brésil au Conseil de sécurité de l'ONU. C'est vrai, c'est authentique : la dimension culturelle a une importance formidable dans les relations entre le Brésil et l'Afrique. Toute l'Afrique, et pas seulement l'Afrique portugaise... La façon dont les communautés traditionnelles africaines se sentent proches du Brésil est impressionnante ».

Transferts de technologie

La question du statut de membre permanent au Conseil de sécurité auquel aspire le Brésil justifie aussi cet activisme diplomatique. Mais l'ambition onusienne de Lula sous-tend aussi tout le dispositif d'aide au développement dont s'est doté le géant de l'Amérique du sud. Pour se hisser officiellement à ce rang d'acteur mondial, Lula propose des transferts de technologie, par exemple, comme le souligne Stéphane Monclaire, l'accent est mis sur l'expertise de Petrobras en matière de forages en eaux profondes pour le compte du Cap-Vert, ou encore sur les compétences acquises dans la production d'éthanol et de biocombustibles au profit du Kenya.

Les efforts de Lula ont en tout cas été récompensés. En sept ans, les échanges avec l'Afrique ont presque triplé. Et la création d'une dizaine de nouvelles ambassades brésiliennes sur le continent montre à quel point, dans l'esprit du président qui s'apprête à passer la main après les élections du 3 octobre, il y a là un pari sur l'avenir. « Nous sommes unis pour le futur », a encore dit Lula.

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