Xe Forum social mondial : l´heure du rebond pour les altermondialistes

Retour aux sources pour les altermondialistes. La dixième édition de leur Forum social mondial (FSM) les ramène à Porto Alegre, la ville qui accueillit leur première réunion. En janvier 2001, les Twins Towers dominaient alors Manhattan, l´Afghanistan et l´Irak n´avaient pas de troupes étrangères sur leur sol, le syndicaliste Lula n´était pas président. Et les altermondialistes, après leur coup de force à Seattle, durant la réunion de l´Organisation mondiale du Commerce en 1999, étaient encore qualifiés d´antimondialistes.

Avec notre envoyée spéciale à Porto Alegre, Annie Gasnier

Aujourd´hui, le monde est autre, les altermondialistes aussi. Ils se sont même  « affranchis » en ne collant plus les dates de leur Forum à celle du Forum économique de Davos. A l´origine, leur but était d´offrir au même moment une alternative aux débats économiques du monde néolibéral, et d´imaginer « un autre monde possible », plus social, plus humain, plus solidaire.

Le succès populaire de leurs rencontres fût énorme, leur succès médiatique aussi.  « Qui peut nous ignorer ? Nous sommes devenus une force politique et ici, nous nous réunissons spontanément pour débattre d´idées » explique Oded Grajew, l´un des organisateurs du Forum. Dès 2003, il y avait eu plus de 100 000 participants. Et c´est alors que les responsables du FSM avaient décidé d´exporter leur rendez-vous sur d´autres continents, en Asie et en Afrique, constatant qu´en Amérique latine ces dernières années, des gouvernements « sensibles » aux préoccupations sociales étaient arrivés au pouvoir. Comme en Bolivie, Equateur, Paraguay.

Cette Xe édition est aussi un prétexte pour étaler sur l´année 2010 une trentaine d´évènements, dans divers pays. Entre deux rendez-vous importants, celui de Belem en 2009, qui avait attiré près de 150 000 personnes sur les bords de l´Amazone, dont 34% de jeunes de moins de 24 ans, et celui de Dakar, l´an prochain. Dans un Forum moins ambitieux et plus régional, les « pères fondateurs » se penchent sur leur action et font le point. « Bien sûr, nous avons fait des erreurs, mais je ne vois globalement que du positif » disait le 25 janvier à la tribune, Joao Antonio Felicio, l´ancien dirigeant de la centrale syndicale du Brésil CUT, en ouverture de ce brain storming qui durera cinq jours.

Actions et projets concrets, objectifs futurs du Forum social

Conscients des critiques, les organisateurs du FSM se sont fixés comme objectifs de prolonger leurs dix années de réflexion par un calendrier d´actions et de projets concrets. « Rien ne nous y oblige, estime le sociologue Candido Grybowski, nous sommes des intellectuels qui accueillons tous ceux qui désirent s´exprimer, mais il est difficile de coordonner ensuite des actions locales sur le terrain. Car à la vision globale des problèmes se superpose la solution de proximité, intégrée à sa réalité ».

Les principaux acteurs du Forum sont convaincus d´avoir gagné une certaine reconnaissance, même inavouée, à leur lutte. Ainsi, les «dérives » du néolibéralisme, la spéculation financière incontrôlée, les paradis fiscaux, l´exploitation sans limite de la planète, sont débattus entre chefs d´Etats, ou dans des sommets comme le G8 et le G20. Même les participants du Forum de Davos parlent à présent de social et d´environnement, se disputant cette année encore le président brésilien Lula, qui depuis son élection en 2003, fait le grand écart entre les deux mondes, invité des deux forums.

Les altermondialistes s´estimeraient plutôt victimes du succès de leurs réflexions qui avaient anticipé les crises financière et environnementale. Mais l´échec du sommet de Copenhague illustrerait la limite de leurs motivations : alors que la société civile s´est organisée et que l´opinion publique était sensible au travail des associations et ONG, le FSM s´offusque que des « grandes nations » aient pu simplement dire non à une mobilisation internationale et concertée pour limiter la pollution de la planète.
« Notre rôle est de réveiller les consciences, et en cela, nous avons déjà rempli notre mission » estime Chico Whitaker. Mais les organisateurs veulent évidemment rebondir, car à Porto Alegre, on ne veut pas se contenter « d´avoir la meilleure analyse et de ne pas réussir à changer le monde ».

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