RFI : Joseph-Antoine Bell, est-ce vrai que vous êtes anti-sénégalais ?
Joseph-Antoine Bell : Oui, comme je suis anti-tout le monde. Je suis anti-camerounais, anti-ivoiriens, anti-égyptiens, anti-gabonais… C’est la difficulté d’être neutre. Tout le monde veut vous avoir comme supporter. Vous ne devriez dire que du bien des équipes. Or, je ne dis pas du mal, je vois les points forts et aussi les points faibles. Et certains n’aiment pas qu’on parle de leurs points faibles. C’est normal, chacun est dans son rôle. Les supporters veulent qu’on soit comme eux. Mais moi, particulièrement, je ne suis pas supporter. Je suis là pour analyser des matches.
RFI : Pourtant, nous recevons régulièrement des messages du Sénégal vous accusant d’être particulièrement anti-sénégalais. Comment l’expliquez-vous ?
Joseph-Antoine Bell : Il suffit de regarder dix ans en arrière. Les supporters ont été mécontents que leur équipe ne gagne pas la CAN. C’est tout à fait logique et je les comprends. Mais les dirigeants sénégalais ont partagé la plupart des avis que j’ai donné sur l’équipe. Durant la CAN 2006 en Egypte, à Port-Saïd me semble-t-il, j’avais vu le ministre des sports sénégalais de l’époque et il m’avait confirmé qu’il était plutôt d’accord avec moi. Les supporters, eux, n’étaient pas contents de mes opinions. Mais ils sont rarement lucides. Ils le deviennent après le match, mais à ce moment-là, ils vous ont déjà « tué ». C’est ça les supporters : ils vous « tuent » avant le match alors que vous avez été lucide puis ils « tuent » leurs propres joueurs après coup, parce qu’ils ne sont pas contents.
RFI : Que répondez-vous aux personnes vous accusant d’être jaloux parce que le Sénégal s’est qualifié pour la CAN 2012 et pas le Cameroun ?
Joseph-Antoine Bell : Pour cette fois, le Sénégal est qualifié et pas le Cameroun. Ça n’est pas récurrent. Lors des dernières CAN, c’était plutôt l’inverse. Ce que disent les supporters n’est pas toujours rationnel et il ne faut pas trop en tenir compte. Quand je jouais, je savais si j’étais bon ou pas. Je n’attendais pas que les supporters me le disent.
RFI : Que pensez-vous de cette équipe du Sénégal et du football sénégalais en général ?
Joseph-Antoine Bell : Je pense que l’équipe du Sénégal est en train de se reconstruire. On doit lui laisser le temps. Il ne faut pas oublier d’où elle vient. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : les Sénégalais commettraient une grosse erreur en acceptant le statut de favoris. Le Sénégal a obtenu de bons résultats rapidement grâce à la qualité de ses joueurs. Pour moi, le Sénégal n’est pas favori de la compétition. C’est un outsider sérieux. Avec une telle étiquette, les Sénégalais ont davantage de chance de perturber le haut du tableau. Les Lions de la Téranga ont les qualités pour aller, au moins, en demi-finales. Pour qu’ils restent sereins, mieux vaudrait ne pas leur fixer des objectifs trop élevés. Cette équipe-là du Sénégal n’est en place que depuis un an et demi. D'un point de vue collectif, elle doit donc être moins forte que les équipes de Côte d’Ivoire et du Ghana. Bien sûr, ça ne veut pas dire que le Sénégal ne peut pas profiter d’une éventuelle défaillance des favoris durant cette CAN 2012.