RFI : Quel sens donner à cette destruction en public ?
Nicolas Hulot : Chacun comprend que c’est un geste symbolique, mais c’est un geste symbolique qui veut dire plusieurs choses. Premièrement, l’ivoire n’a définitivement plus aucune valeur. La deuxième chose, c’est un geste symbolique de solidarité avec les pays africains qui sont exposés en première ligne sur le trafic des espèces menacées, qui est devenu une véritable criminalité organisée qui déstabilise, si besoin était encore plus les Etats africains. C’est aussi un geste symbolique qui montre que la France maintenant, au niveau européen, prend sa part de responsabilités et de contributions, parce que ce geste symbolique s’est accompagné, notamment au mois de décembre, d’une table ronde au moment du sommet pour la paix en Afrique à l’Elysée. Une table ronde au cours de laquelle la France a renforcé tout son arsenal juridique et policier pour faire face à cette criminalité aux premiers rangs desquels le trafic d’ivoire. Ce dernier a augmenté d’une manière exponentielle en dix ans, simplement parce qu’une grande partie de l’ivoire va en direction de la Chine et que en Chine malheureusement, sous l’émergence de la classe moyenne, l’ivoire est un signe de reconnaissance sociale et que les consommateurs chinois ne font pas toujours une relation de cause à effet entre leur consommation d’ivoire et le désastre écologique sur le terrain.
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Comment justement peut-on évaluer le volume de cet ivoire qui est en quelque sorte trafiqué ?
C’est difficile parce que la part de l’ivoire qui est saisie par les douanes en France - et a fortiori comme ça a été le cas encore récemment au Togo avec des volumes beaucoup plus importants, à Hong Kong récemment avec des volumes beaucoup plus importants - ne représente qu’une petite partie du trafic d’ivoire. Donc c’est très difficile d’apprécier quelle proportion. La seule manière malheureusement de jauger ou d’apprécier l’intensité du trafic, c’est de comptabiliser d’une manière très tragique et un peu morbide la disparition des éléphants, par exemple des éléphants de forêt. En dix ans, en Afrique centrale, 60% de la population des éléphants de forêt a été décimée. Rendez-vous compte du chiffre : dix ans, 60% des éléphants de forêt. Vous vous projetez dix ans plus tard, et à ce compte-là, nous assisterons en spectateurs informés à la disparition d’un des animaux les plus emblématiques d’Afrique qui est quelque part une espèce d'ultime rempart pour la disparition d’autres grands animaux et d’autres espèces, peut-être moins emblématiques mais tout aussi utiles aux grands équilibres.
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Trois tonnes d'ivoire ont été détruites ce jeudi matin. Est-ce que l’on sait combien de tonnes d’ivoire au juste sont actuellement en France, combien ont été saisies et combien pourraient être demain détruites ?
La France a détruit là l’ensemble de son stock d’ivoire. Donc, la France ce jeudi matin a détruit non seulement les défenses d’éléphant, mais tous les objets artisanaux qui ont été saisis à différentes occasions par les services de police et les services de douanes. Là, notre stock d’ivoire est détruit et tout ce qui sera saisi dorénavant sera détruit de la même manière.
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C’est un message aussi adressé aux voyageurs pour ne pas acheter d’ivoire en dehors de la France et ne pas rapporter ces produits en France ?
Il faut que chacun comprenne que ce geste, qui peut paraître anodin, encourage à la fois une criminalité organisée dont l’argent est directement réinjecté dans le trafic des espèces, le trafic humain, le trafic de drogue et qu'il est réinjecté dans les actions terroristes au cœur de l’Afrique. Qu’on prenne conscience que ce n’est pas un geste anodin au-delà de l’impact environnemental. Maintenant, chacun doit comprendre à travers ce qui s’est passé ce matin et qui a été fait en Chine il y a de cela quinze jours ou trois semaines, aux Etats-Unis il y a quelques mois, peut-être en Angleterre la semaine prochaine : l’ivoire n’a plus aucune valeur et chacun doit se discipliner pour ne pas céder à une forme de tentation très malsaine.
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