Le bataillon d’avocats n’y aura pas suffi. Vent debout contre les résultats de l’enquête que le juge Jean-Michel Gentil a repris en décembre 2010 sur la tentaculaire affaire Bettencourt, les avocats se voient renvoyés dans les cordes par la validation de la cour d’appel de Bordeaux ce 24 septembre.
L’édifice de la procédure prouve sa solidité
Ainsi, la fameuse expertise médicale conduite par le juge Gentil accompagné de l’experte Sophie Gromb qui avait conduit à établir que Liliane Bettencourt était en état de démence depuis septembre 2006, est-elle validée. Pierre angulaire de toute la construction juridique de l’affaire, cette pièce était logiquement l’objet de toutes les attaques des défenseurs des mis en examen. Ils en contestaient la validité s’appuyant sur le fait que le docteur Gromb était une proche du juge et professeur de médecine légale plutôt que neurologue. Si l’état de démence tombait, tout l’édifice monté pièce à pièce par l’instruction s’effondrait à son tour.
« L'ensemble des reproches que nous avons entendus ces derniers mois ne sont donc pas fondés, aucune mise en examen n'a été annulée. L'expertise a été validée par la cour d'appel », a précisé Nicolas Huc-Morel, l’avocat de la fille de Liliane Bettencourt, Françoise Bettencourt-Meyers. C’est cette dernière qui a déclenché toute l’affaire en demandant en décembre 2007 la mise sous tutelle de sa mère dont l’immense fortune, selon elle, était dilapidée en faveur de personnes qui profitaient de la milliardaire. Nicolas Sarkozy est soupçonné d’en faire partie en ayant tiré profit de la générosité de Liliane Bettencourt, alors âgée de 84 ans, pour financer sa campagne présidentielle de 2007.
C’est une défaite cinglante, mais peut-être pas définitive pour les douze mis en examen car ils leur restent un ultime recours pour tenter d’échapper au tribunal. Ils ont en effet cinq jours à partir d’aujourd’hui pour saisir la Cour de cassation et tenter de faire casser l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux.
Non-lieu ou renvoi pour Nicolas Sarkozy, encore quelques jours de patience
L’avocat de François-Marie Banier, le photographe soupçonné d’avoir profité de la vulnérabilité de Liliane Bettencourt à hauteur d’un milliard d’euros en dix ans, a d’ores et déjà indiqué qu’il allait former un pourvoi en cassation. Une procédure souvent très longue, mais qui, compte tenu de la présence dans le dossier d’un ex-président de la République, estime un expert, pourrait être accélérée. Dans le cas où la cassation annulerait certains points de la procédure en cours, le dossier serait rejugé devant une autre cour d’appel.
En attendant, une fois lu l’arrêt de la cour d’appel qui compte 115 pages, le juge Gentil est en mesure de rendre son ordonnance de règlement, c’est-à-dire de désigner parmi les douze mis en examen ceux qui seront renvoyés en correctionnelle et ceux qui bénéficieront d’un non-lieu.
Le 28 juin dernier, le parquet de Bordeaux avait requis six non-lieux et considéré plus précisément qu’« aucune charge » ne pesait sur Nicolas Sarkozy et son ancien trésorier de campagne, l’ex-ministre Eric Woerth. La décision du juge Gentil de renvoyer ou non Nicolas Sarkozy devant un tribunal devrait être connue rapidement. Mais l’ancien président et son avocat Me Thierry Herzog voudront peut-être lui couper l’herbe sous le pied en se pourvoyant en cassation. L’ancien chef de l’Etat n’est pas encore débarrassé de ce boulet.